Rencontre nocturne

Mais … mais c’est une menace ! Pensa-t-il à voix haute. Tu veux … tu veux me blesser. Tu veux me tuer ! Hein !

Il se leva, tandis qu’elle resta assise, imperturbable. Il continua à vociférer tout son soul :

En fait, c’était un piège. Tout ton baratin, c’était un piège. Tu veux juste mon sang ! Rah, j’le savais ! Tu as lancé ma montre. Tu m’as volé mes médicaments. La suite du programme, c’est quoi ?

Il se gratta convulsivement l’arrière de la tête, puis tourna la tête dans toutes les directions, en ajouta :

Et ils sont ou tous les autres qui veulent me bouffer ? Hein ? Le dragon, il est caché ou ? Et les morts-vivant, ou qu’ils sont planqués ?

Soudain, il se rassit, et lui fit face. Il fit constamment grincer ses dents, ce qui ne devait être des plus agréables. Puis il toussa bruyamment plusieurs fois, avant de dire, d’un ton suppliant :

S’il te plait, les médicaments. Des’ je t’en prie, je n’ai pas envie de savoir, pitié !

Devant l’air imperturbable de Desdemona, la colère le reprit :

Ah ! Et ça t’amuse ? Tu … t’amuse bien ? Je suis comme une bête en cage, en fait ? Quand est-ce que tu me lance des cacahouètes pour voir ma réaction. Hein ? Tu veux que j’imite le macaque, peut être ? Ou peut être tous les humains sont-ils des animaux pour toi ? Que tu chasse, quand tu as un p’tit creux ? Ca doit bien t'amuser, de les voir se débattre, et tenter de se raccrocher à la vie que tu leur ôte ! Que tu leur arrache ! A ces gens innocents !

Il avait rapproché sa tête de la sienne et la regarda avec colère. Puis, peu à peu, il ferma les yeux. Et il recula doucement la tête. Il joignit ses mains, et posa son front sur ses poings liés. Et il resta ainsi un petit bout de temps. Ensuite, il releva la tête, et rouvrit les yeux. Pour un œil averti, on aurait dit que la lueur de ces yeux avait changée. Il pencha légèrement la tête, en observant la jeune femme qui était toujours aussi imperturbable, puis dit, d’une voix calme :

Excuse-moi pour mon accès de colère. Je crois que c’était sans doute cela, ma crise. Elle doit être passée, à présent. Mais garde les médicaments, pour voir ce qui se passe une autre fois. Malheureusement, je ne souviens toujours de rien avant ce jour ou je suis sortit de l’hôpital, il y a huit ans, bientôt jour pour jour. Je t’avoue ma déception, mais peut être que peu à peu, je me souviendrais ?

Il remarqua qu’elle le regardait étrangement.

Quoi ? Dit-il, avec un sourire aux lèvres

Rien, j'ai juste rarement vu une crise de colère de ce genre mis à part les miennes. Il y a deux possibilités à propos de ce dont tu souffres, vu ta crise. Sois tu as une maladie qui te fait piquer des crises de colères telles que tu en oublies des choses que tu viens de faire et deviens paranoïaque, soit tu souffres d'un dédoublement de personnalité, et ta deuxième personnalité ne se manifesterait pour dire les choses dont tu n'es pas capable en règle générale. Dans les deux cas, je ne vois pas pourquoi tu prends toujours un traitement car c'est le genre de choses que l'on peut maîtriser à partir d'un certain âge. La preuve, tu as réussi à te calmer. Je pense donc que ces médicaments servent bel et bien, en partie, à te faire oublier ton passé, soit quelque chose que tu aurais fait durant une de tes crises, soit un accident qui les aurait déclenchées. Je pense que nous sauront ça bientôt.

Elle baissa la tête et se mit à réfléchir. Elle savait qu'il devait penser au fond ce qu'il lui avait dit, et cela la blessait, bien qu'elle eut compris. Soudain, sans qu'elle s'y attendit, un rire la submergea. Un rire pur, comme celui d'un enfant. Elle releva la tête, riant encore, et regarda le garçon dans les yeux en espérant que cela ne lui déclencherait pas une nouvelle crise. Elle tenta de calmer son rire et y parvint, en partie seulement.

Excuse-moi... je suis vraiment, désolée. C'est simplement que, tout ce que tu as dit, bien que reflétant surement une profonde peur de moi,ce qui est compréhensible, est un peu un délire paranoïaque. On croirait entendre un enfant. Que ça soit clair, ça n'est pas de la moquerie, tu as un problème et je le sais, mais ce revirement est assez choquant, ce passage de la maturité à la peur irrationnelle, et cela me fait rire, sans que je parvienne à comprendre pourquoi.

Ni l’un ni l’autre, ma pauvre, pensa-t-il tandis qu’elle lui avançait ses hypothèses. Et heureusement qu’elle ne sait pas compter, non plus, ajouta-t-il dans as tête, ou elle aurait remarqué sa gaffe. Le fait de rester caché si longtemps dans un coin de cerveau ne permet nullement de compter les jours. Et puis bon, une différence de deux ans, cela ne changeait pas grand-chose. Et lorsqu’elle éclata de rire, il eut envie de le faire aussi. Car elle n’avait décidément rien compris. Enfin, un petit peu, mais trois fois rien. Tant mieux pour lui après tout. Il pourrait s’amuser plus longtemps. Le problème étant que la plupart des informations à son sujet lui étant bloqué, il ne savait même pas comment elle s’appelait. Il pouvait bien hasarder quelque chose, mais cela la ferais se douter de quelque chose. En même temps, elle pensait que la crise était la crise de colère. Avec le recul, cela se pouvait évidement, pensa-t-il. Du moins pour quelqu’un qui n’y connaissait rien. Il sourit à moitié puis dit, d’une voix sereine :

Oh, tu peux te moquer, je ne le prendrais pas mal. Plus maintenant, du moins.

Il se tut et ce mit à réfléchir.

En effet, il avait eu peur d’elle. Mais pourquoi donc ? A priori, elle n’était qu’une fille, d’à peu près son âge, sans défense apparente. En même temps, l’autre était tellement peureux …

Soudain, il remarqua la marque sur son avant-bras, et fut légèrement surpris. Il regarda tour à tour la fille et la marque, et en déduis qu’elle lui avait fait ça. Il se demanda ce qu’elle était. Surement pas humaine, aucun humain ne mordait si fort. Il envisagea même qu’elle eut des gènes de chien, ou des dents de métal, lorsqu’il repensa à ses premiers souvenir récent. Il avait parlé de dragon et de mort-vivant. A quoi cela pouvait être dut ? Et il avait qu’elle voulait son sang. Enfin dans son délire. Il pensa à toutes les possibilités et n’en déduit qu’une seule. C’était un vampire. L’autre était allé faire ami-ami avec un vampire. Enfin une. Et pas moche, avec ça. Il la reconsidéra, d’un coup. Elle n’était surement pas sans défense, alors. Il se demanda si de l’eau bénite ferait effet, mais d’un, peut être n’était-ce que des clichés, et de deux, elle ne semblait pas dangereuse. Tandis qu’elle continua à pouffer de rire, tout en tentant de s’arrêter, il se demanda ce qu’elle lui voulait. Et pourquoi diable l’autre lui avait-il donné ses médoc’ ? Il devait y tenir plus qu’à sa vie. A moins que … qu’on ne lui ait pas expliqué. Si ça se trouve, il ignorait son mal ! Cette pensée le fit littéralement éclater de rire. Mais au contraire de celui de la vampire, c’était un rire gras, un rire moqueur. Elle le regarda bizarrement, et il eut envie de lui dire d’aller se faire voir. Il ne le fit pas et se reprit. Ca pourrait lui valoir une morsure de plus, et puis il voulait s’amuser un peu. L’autre ne l’avait même pas touché. Quel boufon de la reine. Il se dit qu’il devrait peut être trouver une excuse pour son rire, et il réfléchit un instant à ce qu’il pourrait lui dire. Préparant son baratin, il dit, d’une voix sur et sereine :

Excuse-moi, mais je repense à la situation. C’est vrai qu’elle peut paraître très drôle, de ton point de vue.

Quelle excuse de le roi a fait, pensa-t-il. Mais il eut l’impression qu’elle l’avait cru, et il fut soulagé par sa naïveté. Soudain, il eut une idée. Il savait que l’autre voulait retrouver la mémoire. Et elle avait les médicaments. Il sourit, puis dit :

Ecoute. De plus en plus, mon désir de retrouver ce que j’ai perdu m’assaille. Je veux ma mémoire. Je ne veux pas rester amnésique sans rien savoir de mon enfance.

Il hasarda un peu, du fait qu’il ne savait pas ce qui s’était passé après la sortie de l’hôpital.

Je ne me plains pas de ce qui m’est arrivé, mais je veux savoir. Alors je te demande une chose, car je n’en aurais pas le courage.

L’autre n’avait le courage de rien faire, de toute façon, pensa-t-il, avant de poursuivre

Pourrais-tu … détruire ces médicaments ? Je suis sur que je retrouverais la mémoire, et comme tu la dis, des crises de colères se contrôlent avec l’âge.

Il la regarda d’un air faussement suppliant pendant qu’elle semblait réfléchir. De plus, tout ce qu’il avait dit n’était pas faux. Il se souviendrait de tout. Même si l’autre ne voudrais peut être pas se rappeler de certaines choses.

Desdemona comprit qu'il y avait anguille sous roche. Elle le sut car soudain elle ne se sentit plus en confiance. L'attitude, la façon de parler de Tuomas avaient changé, et pas de façon rassurante. Elle décida alors de tenter quelque chose. Elle prit son air le plus innocent et fit mine de ne pas remarquer le changement. Comme, à la manière qu'il avait de la dévisager, elle déduisit qu'il n'avait pas la mémoire de ce que faisait Tuomas, elle décida de jouer là-dessus.

Tuomas, tu devrais réellement me laisser aller te chercher de quoi soigner ta morsure ! Ce chien t'a sacrément amoché le bras cet après-midi ! Je suis si désolée... si seulement je ne m'étais pas enfuie, par peur, il ne t'aurait pas mordu... je, je...

Elle se mit à pleurer, jouant à la perfection la comédie. Elle s'en voulait réellement pour la "morsure" et cela l'aidait à mener son jeu d'actrice.

Et, tu sais, quand je t'ai dit que j'aurais bientôt besoin d'une transfusion à cause de ma maladie, ça n'était pas un sous-entendu, je n'oserais jamais demander son sang à quelqu'un que je connais à peine, et en usant de moyens si sournois !

Comme le jeune homme semblait perplexe, elle décida de jouer sa dernière carte.

Tuomas, c'est moi, Deborah ! Je suis là ! Ouhouh, t'es mort ?

Elle ne semblait pas si bête, finalement. Elle le testait. Il le sentait très bien. Lorsqu’elle parla de cette histoire de chien. On voyait très bien que la « morsure » n’avait pas saigné. Et un chien ne se serait pas contenter de le mordiller, s’il l’avait mordu. Pourtant, elle semblait bien sincère lorsqu’elle se mit à pleurer. Et l’histoire de transfusion semblait plausible aussi, mais il n’était pas convaincu. Et lorsqu’elle dit son nom, enfin celui qu’elle lui donna, il ne savait que faire. Parce qu’elle n’avait surement pas donné son vrai nom. Mais le problème était qu’elle semblait assez maligne. Et peut être avait-elle donné son vrai nom, tandis qu’il penserait que ce n’est pas le bon. En même temps, il pouvait allez loin comme ça. Le fait était qu’il n’en savait rien. Elle finirait par savoir qu’il n’était pas le Tuomas qu’elle connaissait, mais autant essayer de cacher son jeu suffisamment longtemps. En tout cas, reparler des médicaments serait idiot et ne ferait que la convaincre. Dommage, pensa-t-il. Il devait juste la convaincre qu’il était le Tuomas qu’elle connaissait, sans parler de tout ce qu’il avait put vivre ensemble. Et comme elle avait ses médicaments, ils devaient se connaître depuis longtemps. L’autre était bien trop timide pour donner ses médicaments à une inconnue. Il décida de jouer le tout pour le tout. Et puis, il avait souvent eut de la chance :

Franchement, tu me déçois. Tu me teste ou quoi ? Je sais très bien que tu ne t’appelle pas Deborah. Tu crois que je te mentirais ? A toi ? Comment le pourrais-je ?

Il prit une mine boudeuse et se tut. Il devait vraiment faire gamin gâté, ainsi. Il l’aurait surement été, s’il n’avait pas fait l'imbécile. Mais ça avait été marrant. Pour lui. L’autre, il n’avait pas aimé. A cause de lui, il avait poireauté entre quatre murs blancs pendant une éternité. Et c’était chiant. Il secoua la tête, comme pour supprimer toutes ces pensées inutiles. Il devait assurer à son interlocutrice qu’il était ce qu’elle voulait qu’il soit. Gentil petit Tuomas. Il avait bien une idée, mais il hésitait. Si elle n’était aps un vampire, ce qui représentait environ … quatre-vingt dix-neuf pour cent des chances, elle le prendrait pour fou, elle comprendrait tout, car, d’après lui, elle était loin d’être bête, et elle partirait. Il ferma les yeux, puis tenta le coup. Il se crut un instant en train de jouer au poker :

Qu’est-ce que tu crois en fait ? Que j’ai tout oublié ? Tu crois que je ne sais pas que tu es un vampire, comme tu me l’as dit ?

Comme il la vit hésiter, il explosa de joie intérieurement. Il était aussi impressionné. Un vampire, ce n’est pas rien quand même. Il était fier de lui. Très même. Encore plus car on dirait bien qu’il avait touché juste quant au fait que c’était elle qui lui avait dit. Durant tout l’échange, il n’avait cessé de tirer sur sa cigarette, qu’il avait prise de la main gauche. Il nota qu’elle était presque entièrement consumée. Il en redemanda une, et elle lui avança le paquet. Il mit sa cigarette dans sa bouche et tapota doucement ses poches, pour se rendre compte qu’il n’avait pas de briquet. Ce devait donc être elle qui lui avait donné du feu. Le paquet à ses pieds, il demanda :

Tu peux me repasser le briquet, s’il te plait ?

Erreur, mon chou.

Sa voix avait claqué, impitoyable. Elle avait abandonné le masque de fille naïve car Tuomas n'était plus en face d'elle. Du moins, pas le vrai Tuomas. Alors tomber le masque ne pouvait être que bénéfique. En réalité, plus que tomber le masque, elle en portait un autre. Car le vrai test n'était pas de voir si le garçon marchait, mais de voir comment il réagissait. Et il avait réagit d'une façon qui ne lui plaisait guère. Qui ne pouvait venir de Tuomas, bien qu'elle ne le connaissait que depuis quelques heures. Elle sortit le briquet du double fond et le jeta dans le vide, sous le regard interloqué de la personne en face d'elle. Elle claqua des doigts et alluma la cigarette de celui qu'elle surnommerait désormais Johann. En voyant son regard ébahi, elle esquissa un sourire machiavélique et s'accroupit.

Quoi, tu ne t'y attendais pas, "Tuomas" ? Tu avais déjà oublié que Des' le vampire était aussi une sorcière ? Serait-ce parce que, attends, je crois que ça me revient, parce que tu n'es pas vraiment Tuomas ?

Le garçon était complètement sous le choc. Elle en était très fière. Elle voulut d'abord le forcer à prendre un cachet puis décida de le faire marcher, pour qu'enfin Tuomas puisse découvrir ce qu'il cherchait à connaître, son passé. Elle joua donc le jeu de celle qu'elle avait un jour été, juste après la mort de sa mère. Mais en plus vieille, et plus puissante.

Je crois, Johann -permets-moi de t'appeler de la sorte, car Tuomas ne te va vraiment pas comme nom- que tu as vu à quel point je peux paraître gentille, idiote même. C'est là le masque que j'ai porté en présence de ton "alter ego". Il est gentil, mielleux, compréhensif... et tristement niais. Mais, la raison qui m'a fait rester avec lui, à m'ennuyer de la sorte était son traitement. Peut-être ne me croiras-tu pas, mais c'est moi qui l'ai prié de l'arrêter.

Elle prit une voix volontairement innocente, qui lui donnait un air stupide, et c'était l'effet recherché.

"Oh, Tuomas, ces médicaments te font perdre la mémoire ! Tu es manipulé, Tuomas ! Pitié, arrête-les et tu sauras tout ! Je te promets que je t'en donnerai un s'il se passe quelque chose d'horrible ! Fais-moi confiance, je t'en conjure !"

Son ton redevint arrogant.

Le fait est que ça n'était pas la première fois que je voyais ces médicaments. Mon oncle en prenait, et je ne compris pourquoi que lorsque qu'il les oublia et qu'il devint quelqu'un d'autre, violent et intelligent. Alors je me suis dit, en voyant le traitement de Tuomas, que si, à l'instar de mon oncle, l'autre personne en lui était son opposé, elle se révèlerait amusante, arrogante, colérique, totalement attirante en somme. Crois bien que sans m'avoir montré son traitement le pauvre Tuomas aurait été vidé de son sang.

Elle bondit derrière lui, s'accroupit et s'approcha de son oreille, chuchotant presque.

Mais toi... toi tu rend le jeu beaucoup plus... passionnant. Je n'aime pas les humains, en général. Mais certains ont un caractère que j'adore. Certains, qui mériteraient de devenir... beaucoup plus qu'humains... Des gens comme toi, Johann. Des gens que je veux à mes côtés, ce qui ne veut pas dire que je désire les contrôler, mais que je cherche des semblables, des personnes qui désirent beaucoup plus qu'un idiot comme Tuomas. Si tu n'es pas partant, tu finiras évidemment mort, étant donné que je n'ai pas le droit de révéler mon secret... à toi de voir, Johann.

Glup. Ce fut le bruit qu'il fit lorsqu'il déglutit. Il tentait de rester neutre, mais en réalité, il s’était fait avoir. Tout seul. Et ça l’avait surpris. Et surtout c’est le feu sortait de nulle part qui l’avait complètement abasourdis. Et elle avait tout compris. Pour une histoire de briquet. Il se moquerait de lui-même, s’il ne risquait pas sa vie. De plus, elle se révéla être une vraie manipulatrice. Elle avait manipulé Tuomas comme un pantin. Et son chuchotement lui avait froid dans le dos, bien qu’il n’en laissa rien paraitre. Ou essaya, du moins. Car son bras droit tremblait légèrement, et ça ne devait pas avoir échappé à la jeune femme. Il s’était fait avoir comme un bleu. Et l’autre abruti qui devait voir en elle une gentille vampire amie. Quel … Mais elle était toujours derrière lui, et il pouvait deviner la lueur de ses dents brillant d’un éclat de lune. Il déglutit, et dit :

Beaucoup plus qu’humain, hein ? Alors, Des’, tu vas me transformer en vampire ?

Il hésitait à jouer la carte de la provocation, parce qu’elle pouvait le tuer à tout moment, il en avait maintenant la certitude. Et puis, il se rendit compte qu’elle avait raison. Cela rendait le jeu bien plus … amusant. Même s’il n’aurait pas de deuxième chance. Il réfléchissait au quart de tour, amis il ne se souvenait de rien qui eut put l’aider. Quels médocs’ de … Et il ne pouvait même pas espérer que l’effet s’estompe, ça ne marcherait pas. Et il le savait. Il n’avait jamais été un excellent joueur de poker, car il ne gardait jamais de porte de sortie. Enfin, il en avait une. Mais il hésitait. S’il se trompait, il finirait vidé de son sang. En y repensant, les derniers propos de la jeune femme aurait put être flatteur, même attirant. Mais il ne l’avait pas du tout pris comme ça. Peut être était-ce ce que chaque être humain ressentais, mais il ne voulait pas devenir un vampire. Les cryptes, ce n’était pas vraiment son truc. Il ne lui restait donc qu’une option, la mort. Et il sut qu’il ne put rien faire d’autre. Conscient qu’elle étai toujours derrière, il se décida à user de la provocation. Il dit, en prenant un ton froid :

Vois-tu, tu es sans doute la plus vile et la plus fourbe des femmes que j’ai rencontré. Bon, en même temps, tu n’es pas vraiment une femme, n’est-ce pas ? N’étant qu’une suceuse de sang, tu ne dois rein ressentir, si ? Moi pas vraiment non plus. N’ayant pas put m’exprimer depuis que je suis sortit de l’hôpital, car je suis bien Tuomas, au passage, mais une autre … facette, de sa personnalité, si tu veux. Donc, je disais que les émotions, ce n’est pas trop mon truc. Toi non plus, j’en déduis. J’imagine que l’image de tes victimes ne te hante pas la nuit, hein ? Moi non plus. Mais tu sais quoi ?

Il se releva, fit demi-tour, et la regarda dans les yeux, en continuant :

Je ne veux pas être un vampire, être à tes côtés, et l’autre non plus, j’en suis intimement convaincu. Alors vas-y.

Elle ne bougea pas, et le dévisagea dans un air de défi, ou du moins il le prit comme tel. Il n’était plus du tout sur de lui. S’il parlait, sa voix ne manquerait pas de trembler, mais il devait le faire. Il hocha juste la tête, puis se dirigea vers le bord du toit. La pointe de ses pieds dépassant légèrement, il se retourna, et vit qu’elle ne bougea toujours pas. Elle devait être convaincue qu’il était un bluffeur et un menteur. Ce qui n’était pas faux. Il haussa les épaules, puis annonça :

Bon, il semblerait que mon bluff ait échoué. L’autre s’est fait avoir par tes beaux yeux, sans doute. Et moi par un briquet. Tu va donc nous tuer, il n’y a aucune autre porte de sortie. J'ai peur de mourir. L'autre aussi. Mais j'ai,au contraire de lui, le courage de faire ce qu'il faut faire.

Il s’assit sur le rebord, et se laissa glisser. Il se rattrapa ensuite sur le rebord. A présent, il était comme couché sur la façade de l’immeuble, et seuls ses doigts le retenaient de la chute mortelle. Fort heureusement, il semblerait que l’autre n’avait pas négligé l’exercice physique, ce qui lui permit de se retenir. Il dit alors, conscient qu’elle l’entendait :

Vas-y, pousse moi, ou nous, comme tu préfère. Je pense que l’autre, enfin celui que tu appelle Tuomas, sera triste de ne plus voir tes beaux yeux …

Si tu m'avais bien écouté, Johann, tu aurais compris que je ne compte pas te transformer en vampire, pas sans ton accord du moins. J'ai dit que tu mérites de devenir plus qu'humain, d'acquérir une force physique à la mesure de ton esprit, que je pensais jusque là perspicace. Et mourir n'est pas être courageux, c'est être lâche. Mourir pour quelqu'un, quand on est sentimental, est à la limite un peu courageux. Mais se tuer par peur est d'une lâcheté lamentable. Et ne me fais pas croire que tu n'as pas peur de moi. Tu crois que je ne l'ai pas vu, ton bras, qui tremblait, tandis que je te parlais tout à l'heure ? Tuomas lui au moins avait l'avantage de ne pas se suicider par peur de moi. Le plus arrogant des deux serait il le moins intrépide ? Te voilà, ici, comme un lamentable animal, fragile, peureux...

Elle attrapa le bras droit de Johann et le fit remonter sur le toit. Elle le poussa au milieu de l'endroit, afin qu'il ne se jette pas de nouveau dans le vide. Elle s'approcha de lui, se plaça derrière son dos et parla calmement et doucement.

Je suis prête à te donner une chance de me prouver que tu as un peu plus de courage que cela. Je ne boirais pas ton sang sur ce toit, je risquerait d'être démasquée. Mais, si ton désir est que je te tue, je t'emmènerais dans un endroit où personne ne nous verra. Tu sais, je peux aussi effacer ta mémoire, et je redeviendrai pour toi une parfaite inconnue. Nous savons parfaitement que ça n'est pas ce que tu veux. Je t'effraie, plus peut-être que j'effrayais Tuomas, mais je t'attire dans ma façon d'agir. Tu as envie de puissance tout en restant humain et tu sais que c'est quelque chose que je peux t'apporter. Tu as besoin d'indépendance et moi aussi. Ne vois pas ce qui va suivre comme une proposition d'ordre amoureux, car ça n'est pas du tout ça mais... réfléchis, deux contre le monde c'est l'assurance de la réussite. Je veux rester incognito et tu auras la vedette de tout ce que nous pourrons accomplir, dans l'hypothèse où tu voudrais faire de grandes choses. Dans une autre façon de voir la vie, avoir quelqu'un avec toi qui veut absolument les mêmes choses et suis tes désirs parce qu'ils sont identiques aux tiens est un point positif je crois.

Elle le fit asseoir et vint s'asseoir en face.

Maintenant, j'abandonne mes grands discours de méchante et je te parle face à face, de femme à homme, car, comme je l'ai expliqué à Tuomas, les vampires sont avant tout des humains et leurs caractères sont en fonction de ce qu'ils sont au départ. Ils ne vivent pas dans des cryptes, ne dorment pas dans des cercueils et ne craignent pas le soleil, tout le blabla officiel quoi... Maintenant, parle moi comme si j'étais ton égale et pas un monstre suceur de sang, parce que moi je t'ai parlé comme à un égal et pas comme à une victime.

Il l‘écouta sans broncher, se laissant manipulé. Il l’écouta baratiner son histoire de chance, tandis que lui préparait ses mots avec soin. Elle finit en ajoutant qu’elle voulait qu’il lui parle en égale. Dès qu’elle eut fini, il éclata de rire. Il rit tout son soul. Lorsqu’il eut fini, il dit, rayonnant :

En fait, j’avais bien raison. Tu n’as en effet rien compris. Tu me parle d’égale, mais ou est-ce que tu vois une égalité ici ? C’est facile de dire ça, quand on sait que tu es bien plus forte que moi, monstre ou pas ! Ensuite …

Il avait appuyé chacun de ses mots. Il allait juste lui parler franchement, et en profiter pour, littéralement, lui faire comprendre à quel point elle se méprenait. Il en profiterait un peu pour la traiter certains noms, se dit-il.

Il semblerait que je ne suis pas le seul, ici, qui ait peur, n’est-ce pas ? Il semblerait, semblerait, bien sur, que tu ais toi-même peur des conséquences de tes actes. Peur d’être démasqué. Si tes potes apprenaient que tu m’avais tout dit, ils ne seraient pas content, hein ? Je me doute bien que tu ne me laisse pas le temps de leur dire, bien évidement. Mais il y a d’autre moyen de faire parvenir des informations.

Il ajouta cela avec un ton de mystère, mais il n’avait aucun autre moyen et il le savait ; Bluff, encore et toujours.

Ensuite, je t’avoue bien que tu me fais bien rire. Tu es pitoyable, en fait. Besoin de puissance ? D’indépendance ? Faire de grande chose ? Ahaha. C’est très comique, je trouve. Je crois que je veux être reconnu ? Que le monde connaisse mon nom ? Tu te fourre le doigt dans l’œil jusqu’au coude, si ce n’est plus loin. La gloire est, avec l’honneur, les sentiments les plus pitoyables d’un être humain. Je me moque de la puissance. A quoi cela m’avancerais ? A rien. Moi tout ce que je veux, c’est m’amuser un peu. Remarque, la dernière fois, ça à mal finit. Et ne me fais pas croire aussi que tu es en quête de pouvoir. Si tu l’étais, tu ne serais pas là à faire des chichis avec un minable être humain. Moi, qui plus est. Mais tu as tout de même raison sur un point, je dois l’admettre. Tuomas ne se suiciderais pas par peur de toi. Et je suis sans doute le moins intrépide. Mais pas des deux. Il semble que tu n’arrive toujours à comprendre que je suis Tuomas. Et l’autre est moi. Je ne suis pas plusieurs. La personne qui te parle à juste différente facette de personnalité. Et dans l’hôpital, on en a choisit une. Celle qui avait moins de gueule. Et puis, je n’en suis pas le seul à n’avoir que de la gueule, il me semble aussi. Car il m’étonnerait que tu me tue. Beaucoup même. Finalement, je te l’accorde, on se ressemble pas mal.

Il se frotta le menton, puis rajouta :

Sauf que moi, je ne suce pas du sang.

Il sourit, puis ajouta :

Tiens, il semblerait qu’on veuille te dire bonjour. Adios ma poule.

D’un coup, il eut un haut-le-cœur, comme si il eut envie de vomir. Ce qu’il fit d’ailleurs. Il toussa plusieurs fois, psui se releva en titubant. Soudain, il dit :

Que … que … Des’ ?

Et meeeerde, v'la l'autre !

Elle se tut soudain, ayant pensé à voix haute. Le garçon la regardait, choqué.

Euh, excuse-moi, Tuomas. C'est simplement que j'allais rabattre son caquet à ton autre toi, ou l'autre partie de ta personnalité, comme tu préfères. Ah mais, quelle bouffonne, c'est vrai que tu n'es pas au courant. Assieds-toi donc s'il te plaît. Et tends moi tes mains, paumes en l'air.

Il s'assit et tendit ses mains, comme elle le lui avait demandé. Elle y fit apparaître de l'eau et il but jusqu'à plus soif étant donné qu'elle en rajoutait continuellement, afin qu'il puisse boire et faire passer le goût de gerbe qu'il devait avoir dans la bouche. Quant il eut fini, elle se plaça bien en face de lui et le regarda au fond des yeux. Elle espérait que c'était bien Tuomas et pas l'autre abruti qui tentait de la piéger. Elle savait néanmoins que si c'était l'autre, redevenir gentille ne ferait que confirmer ce qu'elle lui avait dit sur le soit-disant jeu qu'elle jouait avec Tuomas.

Écoute, Tuomas, tu as une autre personnalité, ou plutôt une autre facette de toi qui ressort quand tu ne prends pas tes médicaments. Si elle ne se rappelle pas ce que toi tu fais, elle sait que tu existes alors que le contraire n'est pas vrai. Et là, j'allais lui rabattre un peu le caquet quand tu es revenu, d'où mon agacement. Je suis vraiment désolée pour ce que j'ai dit d'ailleurs mais j'avais vraiment envie de le faire taire. Bref, il semble que l'autre, que j'ai nommé Johann parce que je refuse de l'assimiler à toi, refasse surface quand il veuille. SI j'ai bien compris,il a du commettre un acte qui t'a envoyé dans cet hôpital psychiatrique. Depuis ton traitement, tu as le dessus et cela l'a énervé. Il veut reprendre le contrôle de toi. Et il n'est qu'un petit péteux qui se prend pour un grand maître alors qu'il n'a aucun courage. Je pense qu'il détient la clé de tes souvenirs et que si j'ai encore affaire à lui pourrais le faire parler. Cependant, il ne faut absolument pas que je me trompe quand je parle. Il nous faut une sorte de code, que tu me diras quand tu reviendras à toi. De la sorte, je saurais que c'est toi. Il faut aussi le berner... A moins bien sûr que tu ne préfères reprendre tes médicaments.

Elle vit le jeune homme baisser la tête. Cette fois, ce fut elle qui prit son menton de sa main droite et lui releva la tête.

Tuomas, je sais que c'est dur à avaler mais, ça va aller... je te le promets.

Il but l’eau, et se laissa faire. Mais ensuite, lorsqu’elle lui prit lui prit le menton, il releva la tête, l’écouta, et puis la repoussa. Il déglutit, puis dit :

Ils sont bizarres, ces médicaments, non ? Ils me coupent tous mes souvenirs, sans doute ceux lorsque « Johann » ressort. Et pourtant. Je n’ai aucun souvenir de ce que je viens de faire. Mais ce qui est étrange, c’est que je me souvienne, pas très bien, mais c’est suffisamment clair, de ce qu’on me dit.

Il la regarda ensuite dans les yeux. Ses yeux n’exprimaient plus rien qu’un sentiment de trahison. Il dit :

Alors, tu ressors ton masque ? Et dire que j’ai tout gobé. Tu t’es bien amusé, j’imagine. Et je pense que tu ne rendras pas mes médicaments si je te les demandais, vu que tu t’amuse plus avec l’autre. J’essayerai bien de changer à nouveau, mais j’ignore comment ça marche.

Il se releva, et voulut rependre une cigarette, mais ils ‘arrêta. D’un il avait assez fumé, et de deux, il ne voulait plus rien avoir à faire avec elle. Du moins avec elle. Pour l’instant. N’ayant rien à se mettre dans les mains, il les mit juste dans ses poches. Il tourna en rond, n’en pouvant plus de rester immobile, tandis qu’elle restait à l’endroit ou il l’avait laissé. Il la regarda, et dit :

Ainsi, mes délires paranoïaques n’étaient pas si stupides que ça, hein ? J’avoue que tu peux te montrer très convaincante quand tu veux. Notamment quand tu pleure. On s’y croirait vraiment. Et cette histoire de mère assassinée et de fils à la mémoire effacé, ce n’était rien d’autre que des mensonges ? Je t’avoue bien que si c’en aient, chapeau. Parque je t’ai cru, et pour une raison ou une autre, je t’ai fais confiance. C’est vrai que tu étais très convaincante. Et que j’ai encore du mal à croire que tu m’ais menti. Mais bon, comme je ne dois pas être le premier qui tombe dans ton piège, tu dois avoir de l’entrainement.

Il releva la tête en se demandant commet elle avait fait. Il l’avait vraiment crue. Tout ce qu’elle avait dit, tout son baratin. Et il continuait toujours un peu. Mais s’il ne voulait pas finir vidé de son sang, comme elle l’avait avoué, il devait s’éloigner d’elle. Il se dit alors que ça l’avait sauvé, finalement. Il se rendit compte qu’il lui tournait le dos, littéralement. Il tourna la tête, de façon à la voir, et dit :

Et maintenant ?

Il se maudit immédiatement. Déjà, ça sonnait mieux dans sa tête, et puis il savait très bien ce qui se passerait. Du moins pensait-il. Il allait tenter de couper les ponts, mais elle ne le laisserait sans doute pas faire. Et lasser de jouer avec lui, elle le tuerait surement, bien qu’il ait toujours du mal à admettre cette idée.

C'était plus qu'elle ne pouvait en supporter. Elle sentit la colère monter en elle et savait que ça n'était pas bon. Pas bon du tout.

Bordel mais c'est pas possible ! Tu le fais exprès où quoi ? Je sais que ça a pu te paraître très vrai mais ça ne l'était pas ! Si tu te souviens bien, ton autre toi voulait que je détruise ces putains de médocs' ! Et pourquoi est-ce que je ne l'ai pas fait à ton avis, hein ? Pourquoi les aurais-je gardé si je voulais que l'autre reste ? Si j'ai parlé de la sorte, c'est parce que Johann ne se souvient pas de ce qu'on te dit et je pensais qu'il en allait de même pour toi. C'était un moyen de le mettre en confiance, et pourquoi ? Pour aider un quasi-inconnu à retrouver la mémoire. Et la je me sens stupide vu le retour ! J'ai supporté l'autre toi, aussi imbuvable soit-il, simplement "pour tes beaux yeux" et toi tu te mets à croire des trucs de la sorte. Non mais sérieusement, t'es vraiment débile pour le coup ! Oh et puis merd', j'en ai ma claque de toi et tes problèmes psychologiques qui me retombent dessus !

Elle jeta la boîte de médicaments par terre en direction du jeune homme et s'éloigna, sentant qu'un phénomène assez effrayant pour un humain allait se produire. Soudain, son corps s'emplit de chaleur et autour d'elle un cercle de flammes apparut et grandit, jusqu'à la faire disparaitre. Puis une sorte de tornade d'eau apparut à son tour et éteint le feu. Elle tituba et finit par tomber sur le sol, où elle resta allongée quelques secondes avant de se rasseoir. Elle prit plusieurs inspirations tandis que Tuomas la regardait avec des yeux horrifiés.

Exc... excuse-moi, quand j'ai un trop plein d'émotions suivi par une très forte colère je suis obligée de déverser mes pouvoirs. Là, en l'occurrence, ça n'était pas voulu. Tu ne me fais pas confiance, soit. Alors prend tes médicaments et va-t'en. Mais avant, je vais te dire une dernière chose. Si j'avais dû te tuer, je l'aurais fait. Si j'avais préféré le dit Johann, j'aurais tenté de t'énerver "involontairement" pour qu'il revienne. Quand j'ai pleuré devant toi, je me suis cachée, ou du moins j'ai tenté. Pas avec lui. Essaie de méditer là-dessus. Je ne m'excuserais pas cette fois, car je n'ai rien fait de mal, et je le sais, au fond de moi. Et, si j'avais vraiment été malhonnête, à la seconde où tu m'aurais dit avoir tout entendu j'aurais effacé ta mémoire. Rien de plus simple pour moi.

Elle alluma une nouvelle cigarette et s'allongea pour regarder les étoiles. Il n'y avait aucun bruit. Il était certainement parti. Comme tous ceux avec qui elle avait un jour tenté de se lier. Elle s'y était habitué maintenant. Ce qui n'empêcha pas une larme de rouler sur sa joue.

Il ramassa ses médicaments, et la vit s’immoler dans le cercle de flammes, pour ensuite l’éteindre. C’était tellement impressionnant qu’il avait cru qu’elle allait le cramer aussi. Pensé ridicule. Lorsqu’elle eut fini de parler à nouveau, il comprit qu’il ne pourrait sans doute pas réparer ses conneries. Il s’était rendu compte qu’il avait tout compris de travers. Le baratin censé effrayer l’autre l’avait effrayé lui. Il avait gobé ce que l’autre devait gober. Tandis qu’il marchait vers la porte, il repensa à tout ce qui s’était passé. Et lui qui était juste venu pour avoir un peu de calme, il ne s’était pas ennuyé. Mais il avait tout foutu en l’air, il faut dire. Il s’en voulait. Peu à peu, al porte se rapprochait, tandis qu’il marchait à sa rencontre. Lorsqu’il agrippa la poignée, il se retourna. Il la vit, allongé sur le béton froid. Il ouvrit la porte, et descendit. Il partit prendre ce qu’il cherchait, puis il remonta. Lorsqu’il rouvrit la porte, il le fit en faisant le moins de bruit possible. Maniant l’objet, il partit s’asseoir sur une partie un quelque peu surélevé du toit. Les jambes en tailleur, il s’installa, les jambes dans le vide. Il posa l’objet sur ses genoux, et attrapa le manche de la main gauche. Il gratta ensuite avec sa main droite, puis il commença. Les notes résonnèrent peu dans la nuit, mais suffisamment pour qu’il puisse s’entendre. La guitare entre ses mains, il se sentait plus calme. Même si la chanson était écrite pour deux, il arrivait à combler les vides. Lorsqu’il arriva au chant, il ne put s’empêcher de chanter doucement. Il continua ainsi un moment à chantonner tout seul. Cela l’apaisait énormément. Il fut désolé pour Des’ que ça devait embêter au plus haut point, mais il espérait secrètement que ça la calmerais aussi. Et puis lorsqu’il arriva au dernier couplet, il chantonna un peu plus fort, peut être pour qu’elle entende :

How I wish, how I wish you were here. We're just two lost souls swimming in a fish bowl, year after year, running over the same old ground. What have we found? The same old fears.
Wish you were here.

Et il finit son morceau. Il n’avait d’effet de bruit de vent, mais qu’importe. Il hésita un instant, puis commença autre chose. Cette chanson était légèrement plus agressive, et parlait surtout de souvenir, ce qu’il n’avait pas, mais cela ne lui importait peu. Il ne put d’ailleurs jouer que la première moitié, vu que la suite nécessitait une batterie. Il se contenta juste de répéter l’unique phrase servant de refrain à tout va, et il continua ainsi jusqu’à ce qu’il soit complètement apaisé. Il voulut se retourner vers Des’ pour s’excuser du dérangement, mais il ne la vit plus allongé. Il haussa juste les épaules, déçu qu'elle ne soit plus là. Du moins, de sa position, il ne voyait pratiquement pas le toit, et il espérait quelque peu qu'elle ne soit pas partit.

Soudain résonna un doux son. Un murmure enchanteur. Doux gémissements de plaisir d'une guitare que l'on frôle, que l'on caresse. Puis une voix, douce elle aussi, venant sublimer la mélodie. Des' tourna imperceptiblement la tête et vit que Tuomas s'était placé à un endroit surélevé du toit et jouait paisiblement. Une de ses phrases sonna plus fort, peut-être était-ce voulu, et peut-être les paroles étaient-elles significatives. Mais elle ne voulait pas y croire. C'était tout bonnement impossible. Elle ne voulait pas lui déranger mais voulait mieux entendre, alors elle se plaça très discrètement contre le mur qu'elle aurait du grimper si elle avait cherché à rejoindre Tuomas, ce qu'elle ne désirait pas. Elle se plaça de sorte à ce qu'il ne la vit pas et l'écouta interpréter sa seconde chanson. Quand il eut fini, elle ne put s'empêcher de fredonner un air qui lui trottait dans la tête.Soudain, elle se tut. Il l'avait entendue car il avait arrêté de jouer. Elle attendit quelques minutes puis reprit.

It's a damn cold night, I'm trying to figure out this life... won't you, take me by the hand take me somewhere new ? I don't know who you are but I... am with you... I'm with you...

Elle se tut à nouveau et commença à se dire qu'elle n'aurait pas du chanter. Inconsciemment elle avait chanté une chanson dont les paroles étaient très significatives... Trop significatives. Mais, cela étant inconscient, elle espérait qu'il ne s'en rendrait pas compte. Elle tira sur sa cigarette et garda le silence.

Conscient qu’elle était là, bien qu’il ne sache ou, il reprit un morceau. Peut être pour l’encourager à venir. Il avait complètement oublié le début des paroles, mais il se contenta de siffloter le thème. Puis arriva ce dont il se souvenait, ce qu’il chanta, plutôt doucement :

She'll lead you down a path, there'll be tenderness in the air, she'll let you come just far enough, so you know she's really there. She'll look at you and smile, and her eyes will say she's got a secret garden, where everything you want, and where everything you need, will always stay, a million miles away.

La chanson était sortit toute seule, si bien qu’il n’avait même pas envisagé de la chanter. Il se retourna, et se leva. D’où il était, il voyait maintenant presqu’entièrement la surface du toit, mais n’y vit pas Des’. Il prit cela comme intentionnelle, mais comme il l’avait entendu, il savait qu’elle n’était pas loin, ou du moins à portée de voix. Il avait entendu les mots qu’elle avait chantés, même s’il n’avait pas tout compris. Il s’assit alors à même le sol, et dit, sur qu’elle l’entendait :

Je … je veux juste m’excuser. A vrai dire, j’avais prévu que tu partes pour avoir la paix, mais comme il semble que tu sois resté, autant te le dire. J’ai … je crois que j’ai pris l’habitude de croire tout ce que tu me disais. Stupide, hein ? Enfin bon, tout ça pour dire que j’ai fait l’abruti, et que je m’en veux un peu. Pas qu’un peu, en fait.

Il gratta deux ou trois notes, puis ajouta :

Tu va rester caché, ou tu va te montrer ?!

Il avait dit ça en souriant, et sur un ton léger. Il ne voulait pas la forcer. Il attendit un moment, un long moment, et seul le bruit se faisait entendre. En déduisant qu’elle voulait rester ou elle était, il dit :

Bon et bien très bien, comme tu veux. Je vais parler tout seul alors. Je ne te l’ai pas dit, ou peut être que si, mais j’aime bien jouer de la guitare. A force, je commence à être assez bon. Enfin, j’estime que je suis bon. Le fait est que la guitare me détend et m’apaise l’esprit. Et puis d’ailleurs …

Soudain, il entendit un petit bruit à sa droite, et tourna la tête. D’un pas de chat, il se propulsa vers le rebord qui était à sa droite, et se pencha au dessus. Là, il vit Des’, appuyé contre le petit mur. Il sauta à côté d’elle, tourna la tête dans sa direction, et dit :

Trouvé.

Arf ! J'étais pourtant subtilement cachée !

Elle avait pris un air sarcastique mais pas méchant pour autant. Elle sourit à Tuomas. Bien qu'il ait été vraiment stupide, il était là et c'était l'essentiel. Elle l'avait écouté blablater sur la guitare et s'était amusée de l'entendre discuter seul. Cela aurait été troublant, si elle n'avait pas eu la visite de Johann peu avant. Elle regarda Tuomas et lui sourit.

File-moi donc ça ! C'est vrai que tu te débrouilles bien ! Moi je sais juste enchainer quelques accords, parfois en arpège, juste pour chanter par dessus.

Elle prit la guitare et se mit à jouer des accords, mais note par note, pour rendre la mélodie plus douce. Elle répéta quelques accords puis se mit à chanter.

Imagine there's no heaven... It's easy if you try... no hell belows us... above the only sky...

Elle continua un petit moment puis s'arrêta de chanter tout en continuant à jouer.

J'aime cette chanson, elle fait rêver... tu trouves pas ?

Oui, c’est vrai. Mais si on reste là à rêver, on ne va pas avancer très loin.

Il lui sourit, content qu’elle ne risque plus de l’enflammer par mégarde, ou simplement parce qu’elle ne lui en voulait plus. Enfin, il l’espérait. Il continua :

Et puis, cette chanson est un peu trop utopique, tu ne trouve pas ? Imagine all the people, living life in peace. Je ne crois pas qu’on vivra assez longtemps pour voir ça. Quoique, toi, je ne sais pas. Mais je risque d’être si pieds sous terre bien avant. Tiens, tu connais celle là ? Attends

Il lui reprit la guitare, puis dit :

Le gars à composé cette chanson après la mort de son fils. C’est sans doute une des chansons que je préfère. Ca donne ça, écoute. Par contre, je ne suis pas très doué pour le chant, alors ne m’en veut pas.

Il joua l’introduction, puis entama la suite, chantant du mieux qu’il pouvait, sans pour autant hausser la voix. Il avait laissé tomber son médiator, jouant aux doigts :

Would you know my name, if I saw you in heaven? Would it be the same, if I saw you in heaven? I must be strong, and carry on. ‘Cause I know, I don’t belong, here in heaven. Would you hold my hand, if I saw in heaven?

Il s’arrêta alors, en disant :

Et ça continue comme ça. Tu connais ? Le gars s’appelait Clapton. La chanson s’appelle Tears in heaven. Son gosse est tombé d’une fenêtre. Il avait quatre ans. C’est moche, non ? Je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours été attiré par cette chanson, comme si elle me rappelait quelque chose. Etrange, non ? Je ne suis pourtant pas assez vieux pour avoir un gosse.

Il ajouta ses derniers mots avec un léger sourire. Il posa la guitare à ses pieds, puis ajouta, pour lui-même :

Et puis je ne crois pas que, même si j’en avais un, il aimerait avoir un père qui est double, pour ainsi dire. Ah, en parlant de ça.

Il releva la tête, puis fouilla dans sa poche. Il en sortit le paquet, légèrement abimé par sa chute sur le béton. Il considéra un instant la légère bosse, puis jeta un regard vers Des’. Il lui tendit le paquet. Elle le refusa d’un signe de tête, et il insista. Il lui dit :

Allez. Je suis sur que tu saurais tirer les vers du nez de l’autre. Et puis, prends ça comme une marque de confiance. Il semblerait que j’en ai manqué, récemment.

Des' écouta encore ce que Tuomas avait à dire, fumant tranquillement sa cigarette. Elle ne réagit que lorsqu'il lui tendit son paquet de médicaments. Elle décida alors de parler, de changer de sujet.

Je ne trouve pas qu'elle soit exagérée, cette chanson. C'est vrai quoi, John ne nous dit pas que cela va arriver, mais qu'il aimerait que ça arrive. Il veut qu'on plane avec lui, qu'on imagine ce que serait le monde sans toutes ces merdes et que cela nous fasse relativiser, qu'on se rende compte qu'en faisant tous un effort ça ira mieux. C'est ça que j'aime dans cette chanson.

Elle marqua une pause, tentant de voir si ses mots avaient détourné l'idée de Tuomas de lui redonner ces médicaments. Il tendait encore la main, tenant le paquet. Elle enchaina donc sur l'autre chanson.

Je la connaissais, cette chanson de Clapton. C'est bizarre qu'elle te soit si familière, cela vient peut-être d'un de tes proches, parce que si tu as déjà un gosse, et depuis longtemps, ça craint un peu ! Et je ne pense pas que ça le gênerait d'avoir un père qui a une deuxième personnalité. A condition que la deuxième personnalité se calme un peu.

Elle sourit. Tuomas la regardait d'un air qui montrait qu'il n'était pas dupe et qu'il voyait bien son envie de changer de sujet. Elle se décida alors à prendre les médicaments.

C'est okay. Mais c'est bien pour toi que je le fais. Et ne viens pas te plaindre de ce que tu te souviendras, parce que sinon je te les fait bouffer de force tes médocs !... Arf, mais c'est qu'on se caille ici !

Il éclata de rire. L’idée qu’elle eut froid lui semblait presque ridicule. Surement parce qu’elle s’était enflammée tout à l’heure. il se disait que si quelqu'un devait avoir froid, c'était plus lui qu'elle. Il lui dit alors :

Ca ne semble pas courant, d’avoir froid, pour une qui peut jouer avec le feu. T’as qu’à en allumer un ! Ben quoi ?

Il lui sourit. Il lui aurait bien proposé sa veste, s’il n’avait pas déjà été en T-shirt. Il la regarda un instant, puis se glissa pour finir assis sur le sol, avec le mur comme dossier. Il se dit qu’il commença à avoir un peu froid, lui aussi. Sa guitare était droite à côté de lui, tout comme Des’, qui tirait inlassablement sur sa énième cigarette. Il repensa au fait qu’il avait sans doute cours demain, et qu’il n’avait pas encore dormi. Le faire en cours ne serait sans doute pas très bien vu, d’ailleurs. Il se demanda si ces professeurs pouvaient être aussi des vampires, ou n’importe quoi d’autre, mais il ne le saurait sans doute jamais. Comme beaucoup de chose d'ailleurs. Ce qui n'était pas un grand mal, puisque l'une des choses qu'il savait allait peut être le tuer. Il releva la tête, puis dit :

Tu as bien raison, il me semble. Il ne fait pas vraiment très chaud, ici. D’ailleurs, il se fait tard.

Il réfléchit un instant, puis ajouta :

Tôt, plutôt, non ? Mais bon, je t’avoue que je suis bien ici. On a une belle vue sur le ciel, comme tout endroit découvert, tu me diras, mais enfin, c’est tranquille. Bien que j’ai cru mourir deux ou trois fois cette soirée. Et ça risque de continuer, tu m’as dit ? Mais bon, pour l’instant …

Il appuya sa tête contre le mur et murmura un air qui lui venait à l'esprit. Il regarda sa guitare, puis laissa tomber son idée. Il n'avait plus envie de jouer. Il remarqua, à nouveau, la beauté du ciel qui s'offrait à ses yeux. les étoiles brillaient de milles feu. Encore du feu, pensa-t-il en souriant. Il repensa au moment ou elle s'était enflammé, et il se dit qu'il avait vécu un truc vraiment impressionnant. En rencontrant ce-qui-n'existait-pas. Il en était d'ailleurs ravi. Il ferma les yeux.

Elle savait qu'elle pouvait très bien faire du feu mais préférait ne pas trop utiliser ses pouvoirs devant Tuomas. Elle voulait être une simple fille, qu'il ne considèrerait pas comme un monstre, comme quelqu'un d'étrange. Faire du feu, ça n'était rien, certes. Mais quelques minutes avant elle s'était immolée sous ses yeux. Et ça c'était quelque chose.

Du... du feu ? Euh.. t'en veux vraiment, parce que... enfin... attends moi je reviens dans quelques secondes.

Elle entra dans le bâtiment et revint moins d'une minute plus tard avec une couverture. Elle la mit sur elle et prit la guitare. Tuomas semblait aussi avoir froid et elle s'en voulait de ne pas lui avoir pris une couverture.

Si tu as froid, je peux te passer de la couverture. Prends la entièrement si tu veux, je n'ai pas si froid que ça de toutes façons.

Elle lui sourit et commença à jouer quelques accords sur la guitare en chantonnant. Elle était bien, sur ce toit, en compagnie de Tuomas. La soirée avait été pour le moins étrange jusque là, même pour le vampire qu'elle était. Elle se demandait ce qu'allait donner la suite, si "Johann" allait refaire surface. Elle espérait bien que non, qu'il leur ficherait la paix un moment. Un long moment. Car pour une fois elle était proche d'une personne et n'avait pas besoin de se cacher, car il savait.

J'espère bien que ton alter ego attendra un peu avant de refaire surface. C'est vrai qu'on est bien, ici...

Elle sourit de nouveau.

Il jeta un coup d’œil sur la couverture, et ce coup d’œil était peut être légèrement envieux. Mais il se refusa à lui piquer sa couverture. Alors que certains mots lui revinrent en mémoire, il dit, tout sourire :

Tu n’as pas si froid que ça ? Ah bon. Et moi qui croyait que c’était « a damn cold night ».

Il lui jeta un regard de côté, tout en lui souriant de moitié. Il n’allait pas lui avoué qu’il n’avait rien entendu d’autre, car ça importait peu. Il eut l’impression qu’il la mettait légèrement dans l’embarras, mais il n’aurait pas put le parier. Il n’avait aucune idée de ce qu’elle avait dit, et n’avais jamais entendu cette chanson auparavant, il n’avait aucune idée de ce qui suivait. Mais lorsqu’il se rendit compte qu’elle semblait dans l’embarras, il ne savait pas quoi faire. Il décida juste de revenir sur ce qu’elle avait dit :

Ouais, c’est vrai qu’on est bien. Mais je crains qu’il n’en fasse qu’à sa tête. Enfin, la mienne. Mais pas exactement. Enfin, bon. Je …

Il fut prit d’une quinte de toux. Il toussa dans ses mains, puis releva la tête. Il commençait à avoir sérieusement froid, et décida de laisser tomber la bonne résolution de laisser la couverture à Des’. Il agrippa un coin et tira un peu. Il s’offrit la moitié de la couverture, tandis qu’il en laissait la moitié à la vampire. Non pas que ça faisait une immense différence, mais il se sentait déjà mieux. Alors qu’elle continuait de jouer de sa guitare, il l’écouta. Il ignorait si elle improvisait ou quoi, mais elle se débrouillait mieux qu’elle ne le disait. Du moins le pensait-il. N’ayant plus de cigarette, et n’en ayant plus envie d’ailleurs, il souffla juste vers le ciel, avant de dire :

Il y a une chose que je n’ai pas comprise. A propos des vampires de Psycadélice, ou quelle que soit son nom. Pourquoi, en fait ? Qu’est-ce qui a déclenché la haine qui les oblige à mené une guerre contre l’humanité ? Bien que cette dernière ne soit pas au courant. Je ne pense pas que ce soit par faim ou quoi que ce soit de ce genre. Tu m’as montré que la plupart des préjugés sur les vampires étaient faux. Alors il doit bien y a voir une raison, non ?

Il regretta de briser la quiétude du moment, mais sa curiosité avait été ravit. Il poursuivit en disant :

Comme le chantait je-ne-sais-plus-qui, this could be heaven for everyone. Pourquoi cette guerre ?

Desdemona décida de ne pas répondre lorsque Tuomas évoqua la chanson. Elle ne savait pas ce qu'il en avait entendu et préférait ne pas en dévoiler trop. Il prit finalement un peu de couverture et elle hésita à la lui laisser, mais elle avait vraiment trop froid pour le faire. Il tira un peu trop sur le tissu si bien qu'elle se retrouva découverte et qu'elle dût se rapprocher. Elle continua à jouer de la guitare et, sans s'arrêter, répondit à son interlocuteur.

Le fait est que la guerre a été déclenchée par les humains, certains humains du moins. Ceux qui brûlaient les sorcières et en voulaient aux créatures différentes. Cela a attisé une haine qui perdure. Enfin, maintenant, ça n 'est plus vraiment ça. La mairesse de Psycadélice déteste les humains pour une raison qui m'est inconnue. Étant donné qu'elle est très respectée au sein de la communauté, les gens la suivent et l'effet mouton à lieu. La plupart des gens ne savent même pas pourquoi ils se battent, mais ils le font. Je pense que, de la part de cette femme, Dorothy, cette haine vient d'un mépris. Mais je ne peux pas en être sûre.

Elle tira une bouffée de sa cigarette qu'elle reposa ensuite par terre pour rejouer de la guitare. Elle se perdit quelque peu dans ses pensées et, sans s'en rendre compte, se remit à chanter ces paroles :

It's a damn cold night, I'm trying to figure out this life... won't you, take me by the hand take me somewhere new ? I don't know who you are but I... am with you... I'm with you...

Quand elle se rendit compte de ce qu'elle chantait, elle s'arrêta net. Et poussa un juron à voix basse.

Et meeeerde !

En écoutant ce que disait Des’, il eut l’impression que cette guerre à sens unique, ce dernier point le faisant assez rire d’ailleurs, était en fait la cause d’une seule personne. Même si, comme d’habitude, c’est les humains qui ont commencés. Après tout, il est connu de tous que l’homme est un incapable, et que la violence est le dernier refuge de l’incompétence. Il semble que les vampires ne soient pas différents. Nullement, en fait. Il ignorait ce pourquoi cette femme vouait une telle haine, et, bien que sa curiosité voulut en savoir plus, il résista à l’envie. Il était déjà peut être sur la pente raide, inutile de se jeter. Tandis qu’elle rejouait de la guitare, il cru reconnaître un instant un air qu’il connaissait, mais non. Lorsqu’elle vint au chant, qui ne semblait pas vraiment allez avec la guitare, il reconnut ce qu’elle avait chanté auparavant. En effet, il n’avait rien entendu du tout en fait. Maintenant qu’il connaissait la suite, il ne sut pas quoi dire. Surtout après ce qui ressemblait à un juron. Il joua un instant avec son pic, puis le rangea. Non pas gêné par le silence, car il appréciât aussi leurs silences, lorsqu’ils en partageaient, il décida de le briser en murmurant quelques mots. Il lui sembla alors qu’ils communiquaient presque mieux en chantant qu’en parlant. Il chantonna donc quelques mots d’une chanson qui lui vint à l’esprit, et qui n’avait aucun rapport avec le reste. Du moins le pensa-t-il :

Well I don't know where I'm going, and I don’t know where I've been. Hanging on the promises, in songs of yesterday, And I've made up my mind. I ain't wasting no more time. So, here I go again.

Il se tut, puis ajouta :

C’est une version arrangée. Normalement c’est But I sure know were i’ve been. Mais ça n’allait pas vraiment, tu ne trouve pas ?

Il lui sourit, mais il comprit qu’il ne faisait que cacher autre chose. Il fut sur le point de chanter autre chose, mais il se tut, préférant garder ses paroles pour lui. Il ne fit que chantonner les premiers mots, et de façon à ce qu’elle n’entende pas :

Maybe I’m amazed …

Cette fois, il silence gêné s’installa. Peut être l’était-il déjà avant pour elle. Ne sachant plus quoi faire, il vit qu’elle n’avait presque pas de couverture. Il se colla à elle, et lui donna la presque totalité de la couverture, ne gardant pour lui que ce qui lui suffisait.

Desdemona restait silencieuse. Le silence était très pesant, mais elle ne savait plus du tout quoi dire. Elle était heureuse qu'il fasse nuit, car il aurait dans le cas contraire vu à quel point elle était devenue écarlate après avoir chanté ça. Mais quelle abrutie ! Elle devait se décider à parler car cette absence de bruit était de plus en plus gênante. De plus, il s'était collé contre elle, ce qui ne l'aidait pas à réfléchir à quoi dire. Elle recommença donc à jouer une chanson qu'elle ne chanterait pas cette fois, car cela ne serait que s'enfoncer plus. Elle joua pendant environ cinq minutes puis posa la guitare à sa droite. Elle éteignit sa cigarette, qui s'était presque entièrement consumée sur le sol, et en alluma une autre. Elle posa son paquet devant elle, à proximité de Tuomas, au cas où il aurait envie d'en prendre une. Elle commença à fumer tranquillement en regardant les étoiles.

Eh ben, j'ai vraiment beaucoup fumé en une soirée ! Tu dois me prendre pour une toxicomane de base !

Elle sourit, plus parce qu'elle était heureuse d'avoir trouvé comment changer de sujet qu'autre chose. Mais elle ne savait pas du tout quoi ajouter, complètement à court de sujets de discussion. Elle tira donc sur sa cigarette, le temps pour elle de réfléchir à un sujet. Elle décida finalement d'inciter son interlocuteur à ouvrir la conversation.

Tu sais, Tuomas, si tu as encore des questions à me poser sur les vampires ou les sorcières, tu peux le faire, il n'y a aucun problème. Bien sûr, il y a des choses que je ne peux te dévoiler mais je pense pouvoir t'éclairer un peu quand même...

Des questions ? J’en ai des centaines ! Bien plus. Mais j’ignore comment commencer. Et puis bon, ce n’est que de la curiosité stupide. Enfin, ce que je voudrais savoir, c’est …

Il hésita un instant, choisissant la question qu’il allait poser. Il ne savait pas vraiment si ça n’allait pas la vexer, ou quoi. Et il espérait qu’elle ne le prendrait pas pour elle. Mais il voulait savoir. Il passa la main dans ses cheveux, se gratta l’arrière de la tête, puis dit, hésitant :

En fait, oui, c’est euh … Tu m’avais dit que les vampires n’étaient pas ce qu’on pensait qu’ils étaient, à peu de choses près. De même pour les sorciers. Mais euh, en fait, ce que je voulais c’est … enfin, ne le prends pas mal hein, mais comment est- ce qu’on tue un vampire ? Enfin je veux dire, il faut planter un truc dans le cœur, ou je-ne-sais-quoi, ou ils meurent comme tout le monde ?

Il se demanda s’il avait bien fait de poser la question, mais tandis qu’il y repensait, une autre lui brula les lèvres. Il attendit un instant, puis ajouta :

Tu avais parlé des sorciers. Et tu avais mentionné le fait que chaque humain pourrait être doté de pouvoir, s’il les travaillait. Enfin je crois. Comment on fait ? Non pas que je veuille devenir un sorcier ou je ne sais pas quoi d’autre, mais c’est la curiosité qui parle. Je t’avoue que les livres qui en parlaient avaient tendance à me faire rêver. Enfin un peu. Mais ne te méprend pas hein, je n’en veux pas, de ce don.

IL la regarda droit dans les yeux, son visages n’étant qu’à quelques centimètre du siens, et ajouta :

Et les dragons, ça existe ? Et, aussi, est-ce qu'on peux faire, euh ... revivre les morts ?

» Escale nocturne (suite)
» Escale nocturne dans une salle d'art dramatique