Escale nocturne dans une salle d'art dramatique

À Psycadélice, on n'enseignait pas simplement la musique et la peinture. Il y avait également des cours de théâtre, ou d'art dramatique, comme on préférait les appeler au sein du corps enseignant, car cela donnait de la classe, à ce que l'on disait. Ces cours là, mise à part ceux de guitare, étaient les seuls que Desdemona suivait. C'était d'ailleurs en grande partie pour cela qu'elle était entrée au pensionnat. Un soir où elle trainait, comme à son habitude, dans les couloirs, Desdemona décida de passer un moment dans une des salles d'art dramatique et, à vrai dire, dans sa préférée. Elle n'était pas très différente des deux autres, mais la vue y était magnifique. Desdemona entra donc dans la salle et s'assit sur un bureau. Premier réflexe, et pas des meilleurs, elle alluma une cigarette qu'elle commença à fumer. Sans se lever, elle ouvrit les rideaux afin que la douce lumière de la lune, bien plus agréable que celle du soleil, vienne illuminer la pièce par endroits. Quiconque aurait été là à ce moment aurait trouvé cela glauque. Tout le monde ou presque. Mais Desdemona fait partie de ces gens qui trouvent le glauque et le triste beaux. Tout en contemplant les murs de la salle, la jeune fille commença à se perdre dans ses pensées. Tout d'abord, elle pensa à Tuomas, à leur première rencontre, assez... étrange. Puis, elle se mit à penser au jeune nouveau. Amshel. Prénom étrange, garçon étrange. Étrangement beau. Étrangement attirant. Étrangement courtois et étrangement timide. Elle l'avait recroisé dans les couloirs, depuis l'entretien avec Barsanuphe, mais avait fait semblant de ne pas le voir, ou du moins d'être indifférente. Elle suivait le cours de ses pensées quand soudain le bruit du grincement de la porte l'en sortit. Une silhouette s'approchait, ne semblant l'avoir vue. Elle resta très calme et parla d'une voix assurée, bien que ses pouvoirs fussent prêts à être déchaînés.

Qui est-là ?

Après sa visite chez le Directeur, on lui avait indiqué sa chambre, dans laquelle il s'était directement rendu. Dépassant le seuil de la porte, il avait déposé son sac sur le premier lit qu'il aperçut, avant de se coucher dessus. Les mains derrière la tête, les jambes croisées, il repensait à tout ce qui s'était déroulé dans le bureau. Depuis qu'il était arrivé, il avait trouvé cette île étrange, et ce sentiment n'avait été que renforcé lors de sa rencontre avec Barsanuphe et Desdemona. Sans venir d'une autre planète, ils n'étaient pourtant pas normaux, Amshel en était certain. Ils étaient différents, mais le jeune homme n'avait su délimiter cette différence, ainsi resta-t-il dans l'ignorance. Se redressant, il ouvrit son sac et plongea une main à l'intérieur, sortant un livre, il s'adossa au mur, et reprit sa lecture là où il l'avait laissée. Hélas, l'habituelle tranquillité dans laquelle il se trouvait lorsqu'il lisait était absente, quelque chose le gênait, ou plutôt quelqu'un. Il était persuadé de n'avoir jamais été réellement attiré par une fille de son âge, malgré ses aventures, il n'avait jamais été touché par la beauté de telle ou telle demoiselle, ou attiré par les paroles d'une ou d'autres. Et pourtant, comme il s'amusait à le penser, cette Desdemona l'avait intérieurement chamboulé, un peu. Elle était belle, Amshel ne pouvait pas le contester, et même s'il n'avait vu que ça, le jeune homme savait au fond de lui-même qu'il y avait plus que ça, elle devait être spéciale, différente. Revenant au début de sa réflexion, il posa le livre à côté de lui et se coucha, un calme s'installa, il ne savait pas quelle heure il pouvait être, mais ses yeux étaient soudainement lourds, il s'endormit.

Il se réveilla lorsque le soleil se leva, le second lit de l'autre côté de la pièce était toujours impeccable, il n'avait pas de voisin de chambre, mais ce n'était pas plus mal. Les douches n'étaient pas loin, il fit sa toilette et se changea, bien que les habits qu'il avait étaient à peu près tous dans les même tons, il n'avait pas une grande diversité de goûts en matière de vêtements. Amshel glissa une main dans ses cheveux pour vérifier qu'ils étaient secs, et attrapa l'emploi du temps accroché à la porte de sa chambre en arrivant devant celle-ci. Il n'avait pas mentionné une très grande quantité de matières au Directeur, ainsi lui sembla-t-il que son emploi du temps était loin d'être chargé. Premier cours de la journée, piano. Le jeune homme n'avait pas voulu se donner en spectacle pendant ces heures là, il s'était contenté d'écouter le professeur et d'exécuter chaque mot qu'il prononçait. Personne ne lui avait adressé la parole malgré le nombre de chuchotements qu'il avait pu entendre lorsqu'il jouait, parlaient-ils de lui ? Peu importait. A la fin du cours, il quitta silencieusement la grande pièce et se dirigea vers la bibliothèque qu'il avait vu lors de son premier passage au premier étage, la veille. Comme il s'y attendait, il y trouva son bonheur. Il y avait bon nombre de livres soigneusement rangés, il passa son après-midi dans des romans policiers, découvrant des auteurs dont il n'avait jamais entendu parler. Il ne remarqua pas l'immense salle qui se vidait peu à peu, son attention totalement dominée par les pages qu'il tournait régulièrement. Enfin au soir, il descendit au rez-de-chaussée pour aller à la cafétéria. Malgré le nombre de pensionnaires qui s'y trouvait, l'endroit était relativement calme. Amshel s'installa seul à une table, complètement coupé du monde qui l'entourait. Il avait vaguement cherché Desdemona du regard durant la journée, mais il ne se souvenait pas l'avoir vu, tant pis. Repas terminé, il retourna dans sa chambre, lut un peu, et se coucha. La journée qui suivit fut légèrement plus chargée, piano, violoncelle, et pour son plus grand plaisir, Amshel avait trouvé un club d'échecs, une jeune fille le lui avait fait découvrir, très timide, se souvenait-il. Il avait croisé Desdemona dans les couloirs, mais elle n'avait pas fait attention à lui, bien que cela ne fut pas plus grave qu'autre chose. Quelques jours s'écoulèrent dans une sorte de circuit qui se répétait petit à petit, mais le jeune homme ne s'ennuyait jamais, chaque cours était intéressant, la bibliothèque contenait de vrais trésors et il commençait à se faire connaître au club d'échecs.

Cependant, une nuit, il ne parvint pas à trouver le sommeil. Amshel avait terminé son livre de chevet ce soir là, alors, il se rhabilla rapidement et quitta sa chambre dans la plus grande discrétion. Descendant au premier étage, il se dirigea presque naturellement vers la bibliothèque. Evidemment, cette dernière était fermée, mais le jeune homme ne se résigna pas à aller tourner dans son lit en quête de sommeil qui ne viendrait pas. Le théâtre lui vint alors à l'esprit. Il avait débuté dans cette matière il y a peu, et bien que d'un naturel silencieux et peu bavard, il ne s'en sortait pas trop mal selon lui, une certaine révélation, d'un côté. Il avait envie de revoir cette salle qui ne ressemblait pas aux autres, alors, il continua sa route dans les couloirs. Il arriva devant une porte, hésita quelques secondes, il n'était pas sûr que c'était la bonne, il n'explorait pas spécialement cette partie du pensionnat. Il n'avait rien à y perdre après tout, la porte n'était pas fermée, il l'ouvrit, elle grinça légèrement. Replaçant ses mains dans ses poches, il avança lentement vers une extrémité de la salle, il ne savait pas trop ce qu'il cherchait, mais il se sentait bien dans cette salle, peut-être pour cette raison. Une voix le sortit cependant de ses pensées, cette voix, il l'a reconnu aussitôt.

Qui est-là ?

Ses yeux s'habituèrent au noir, et Amshel put découvrir la silhouette de la jeune fille quelques bureaux devant lui, assise sur l'un d'eux, elle avait le regard braqué dans sa direction. Il continua d'avancer.

« Amshel, on s'est rencontré dans le bureau de ton cousin, et on s'est croisé quelquefois, si jamais tu as fait attention... »

Le jeune homme s'installa sur un bureau en face de Desdemona, l'observant silencieusement.

« Mais je te dérange peut-être ? »

Avant même que Amshel ait pu expliquer qui il était, Desdemona l'avait reconnu. Tout d'abord, elle l'avait vu s'avancer doucement vers elle et avait reconnu son corps sans défaut, qu'elle avait tant observé ces derniers jours, placée à des endroits où il ne pouvait la voir. Certes, elle en avait honte, il n'était qu'un jeune homme parmi d'autres après tout. Puis, le son de sa voix l'avait frappée. Sa voix, comme tout le reste de sa personne, était... étrange. À sa question, elle ne savait quoi réponde. Non, il ne la dérangeait pas, et elle ne voulait pour rien au monde qu'il s'en aille. Mais le lui dire aurait été montrer un peu trop ses sentiments. Alors, avant de lui donner une réponse, elle l'observa, encore et encore. Peut-être le remarquait-il, de toutes façons elle s'en moquait. Elle s'attarda sur ses yeux, inoubliables, puis sur la forme de sa nuque, appétissante, sur son torse, divin et de nouveau sur son visage, sublime.

Non, tu ne me déranges pas. J'ai été surprise, voilà tout. Peu de gens se baladent dans le pensionnat la nuit, surtout dans cette salle. Tu aimes le théâtre ? Rares sont les gens qui aiment, surtout ici...

Elle replongea dans sa contemplation, espérant entendre une réponse, simplement pour écouter le doux son de la voix du jeune homme. Il ne répondait pas et, Desdemona, impatiente, décida de poser une seconde question.

Je t'ai aperçu, à la bibliothèque. Tu aimes lire apparemment. Tu trouves la bibliothèque du pensionnat bien fournie ?

Sa voix était calme, presque un murmure, le jeune homme se demandait si quelqu'un pouvait l'entendre, après courte réflexion, il décida de ne pas tant se retenir lorsqu'il parlait. Desdemona, devant lui, toujours aussi belle que la première fois qu'il l'avait vu. Sa peau était pâle et semblait si douce, il la savait froide, il aurait voulu la toucher à nouveau. Sa silhouette était à ses yeux parfaite, il s'était rendu à l'évidence qu'il devait accepter le fait qu'il ne pouvait pas rester indifférent aux formes de la jeune fille, mais à cet instant précis, il s'en souciait peu. Posant ses yeux sur chaque centimètre de sa peau, il ne se lassait pas de la regarder encore et encore. Et l'apogée de sa beauté résidait dans son regard, qui paraissait sombre dans la pièce peu éclairée, profond, il aurait pu s'y perdre pendant des heures. Amshel sentait le regard de la jeune fille sur lui également, mais loin de le déranger, il savourait autant qu'il pouvait le silence et la contemplation qui s'offraient à lui.

Non, tu ne me déranges pas. J'ai été surprise, voilà tout. Peu de gens se baladent dans le pensionnat la nuit, surtout dans cette salle. Tu aimes le théâtre ? Rare sont les gens qui aiment, surtout ici...

Sa voix s'accordait parfaitement à l'image qui émanait d'elle, magnifique.

Je t'ai aperçu, à la bibliothèque. Tu aimes lire apparemment. Tu trouves la bibliothèque du pensionnat bien fournie ?

Le jeune homme se demanda combien de fois l'avait-elle vu à ladite bibliothèque, certainement plusieurs. Il aimait lire, mais il se reprocha l'espace de quelques secondes de ne pas avoir fait attention à cette charmante demoiselle. Alors avait-elle porté ne serait-ce qu'un tout petit peu d'attention à son égard ? Même si au final cela ne représentait strictement rien du tout, Amshel était légèrement heureux, sans trop rêver non plus, il n'était donc pas invisible à ces beaux yeux.

« C'est vrai, j'aime lire. S'envoler, oublier la réalité et découvrir un monde totalement différent, ça me plaît assez, je dois l'avouer. Je ne sais pas combien de temps je mettrais pour ne plus trouver d'ouvrage intéressant, mais ce n'est pas plus mal d'un côté. Il y a beaucoup d'auteurs que je ne connaissais pas du tout, mais je les apprécie même plus que ceux que j'ai moi-même connu, avant d'arriver ici. »

Il marqua une légère pause.

« Et toi, qu'est-ce qui te plaît hormis fumer dans une salle de théâtre, tard le soir ? »

Il replongea son regard dans le sien, il ne savait pas s'il attendait une réponse de sa part ou le contraire, il voulait seulement la contempler, pour l'instant. Il fut cependant pris d'une étrange sensation, il ne savait pas exactement ce que c'était, mais ça ne le gênait pas vraiment. Heureux, il afficha un sourire à l'attention de Desdemona.

Desdemona se demanda pourquoi il lui portait de l'intérêt. Peut-être était-ce simplement feint, par on-ne-sait quelle politesse. Ou alors, cela aurait pu être autre chose. Elle avait l'habitude qu'on s'intéresse à elle mais n'avait pas celle de s'intéresser autant à quelqu'un. Alors, ce jeune homme, qu'elle n'aurait pas cru humain si son cousin ne lui avait pas certifié, si mystérieux, attirant, qui la fascinait complètement, ne pouvait selon elle ressentir quelque chose de similaire ou du même ordre. Elle voulut répondre à sa question mais était captivée par sa contemplation. Ses yeux scintillaient, tranchant avec l'obscurité ambiante, à la simple et infime lueur de la lune. Sa peau marmoréenne paraissait elle aussi luire. Si elle était l'être magique de la pièce, c'est lui qui semblait avoir des pouvoirs en cet instant. Desdemona, vampire, sorcière, rendue immobile, silencieuse et incapable de réflexes par un humain ayant eu la chance de naître avec un physique sans égal. Une sculpture Psycadélicienne à qui on aurait donné vie. Mais, plus que sa beauté, sa présence troublait Desdemona. En effet, il émanait de lui une étrange aura, à la fois sombre et rêveuse, lasse et curieuse, froide et sensuelle. Tant de paradoxes en une personne, ou plutôt en ce qu'elle dégageait. Cela n'aurait pu que troubler la jeune fille qui, si elle ne s'était pas retenue, aurait probablement attaqué le pauvre étudiant simplement pour avoir l'opportunité, l'honneur, même, de le toucher.

Je... je ne suis pas ici pour fumer. Dans cette école, je fais de la guitare, et du théâtre, rien d'autre. Et cette salle est comme un sanctuaire. Étrangement, ce lieu qui en cours est celui où je joue des rôles, devient ensuite le lieu où je me sens le plus moi-même, où je suis la plus à même de penser. Voilà tout. Et puis j'adore me promener la nuit dans le pensionnat, à la recherche de solitude, ou du moins de calme. Et toi, que fais-tu ici ?

« Je ne parvenais pas à trouver le sommeil, et par réflexe je suis descendu à la bibliothèque en quête d'un nouveau livre à lire... Quoiqu'au fond de moi même j'étais certain qu'elle était fermée, mais je suis quand même venu au premier étage, j'ai marché au hasard des couloirs et je me suis souvenu de cette salle de théâtre. J'ai débuté il y a peu mais comme tu l'as soulevé, on se sent bien ici, jouer et ne pas jouer de rôle, être ou ne pas être soi-même, libre de penser. Alors, je suis entré... »

Amshel se concentrait particulièrement sur les paroles qu'il prononçait pour ne pas s'emmêler dans ses propres phrases. Il pouvait parler de lui, du beau temps ou du repas de midi, il y avait toujours devant ces yeux, cette beauté qui aspirait toute son attention, qui attirait chaque partie de son être. Il glissa du bureau sur lequel il s'était lui aussi assis, et fit quelques pas en direction de Desdemona. Il s'arrêta naturellement, les yeux toujours en train contempler cette agréable présence. Il leva la tête vers le plafond, se passa une main sur le cou et tourna légèrement la tête pour former un cercle complet avec son menton, forçant sur sa nuque qui craqua légèrement. Il porta son attention sur cette dernière qu'il caressa pensivement quelques secondes, le regard au sol. Il ne savait pas quoi dire, la seule chose à laquelle il aspirait, c'était rester aussi longtemps que possible, et admirer cette jeune fille.

« La guitare, dis-tu... »

Il ferma les yeux et redressa la tête, aspirant un grand bol d'air qu'il souffla lentement, une main sur la nuque.

« Tu pourrais m'en jouer un morceau ? »

Il pensait bien que le son de l'instrument n'égalerait en rien la voix de sa musicienne, mais il ne voulait pas laisser le silence s'installer, de peur de déranger la demoiselle et de devoir mettre fin à son entrevue.

Desdemona commença à trembler légèrement lorsque Amshel s'approcha d'elle. Elle sentait son cœur s'emballer, frapper fort dans sa poitrine, si fort qu'elle avait peur que Amshel l'entende. Elle ne pouvait s'empêcher de le regarder, d'observer sa démarche féline, gracieuse, ses yeux éclatants fixés sur elle, ce qui était plus que troublant, sa chevelure fluide et sombre, et sa peau pâle, presque autant que la sienne, qui semblait pouvoir illuminer le plus sombre des endroits. Si les gens aiment en général à comparer ceux qu'ils admirent au soleil, pour Desdemona il était évident que ce jeune homme s'apparentait à la lune. Sa peau aurait aisément pu être un de ses fragments, sculpté, rendu lisse par une incessante marée allant et venant, recouvrant et découvrant un corps qui n'aurait pu être aussi parfait qu'au bout de plusieurs millénaires. Peut-être était-ce à cause de la nuit, de cette salle, ou de la confusion qui régnait en elle depuis qu'elle l'avait rencontré, mais le fait est que Desdemona pensait cela avec une force plus qu'impressionnante. Soudain, elle revint à la réalité. Il venait de lui demander de jouer de la guitare. Elle détestait faire cela en publique, c'était trop angoissant pour elle, d'autant plus avec le public de taille que représentait le jeune homme.

Oui, aucun problème, j'ai ma guitare avec moi.

~ Mais pourquoi est-ce que j'ai dit ça ? Je suis stupide ou quoi ? Oui, je le suis, c'est l'évidence même ! Bon, et bien, quand faut y aller, faut y aller ! ~

Elle sortit sa guitare de sa housse de cuir et se mit à jouer quelques notes, discrètement. Puis les accords sonnèrent mieux, plus forts, et elle commença à chanter. Sa voix tremblait un peu, mais sans que cela rende le chant affreux. Elle joua pendant cinq minutes, puis commença un autre morceau. Dix minutes plus tard, elle arrêta de jouer et rangea sa guitare, nerveuse. C'est avec une voix aussi tremblante que l'étaient ses mains qu'elle s'adressa à Amshel, rougissante.

Désolée, je... je suis vraiment pas douée.

Elle accepta directement sa demande, bien que le jeune homme perçut un brin de réticence dans la voix. S'il pensait à sa présence lorsqu'elle jouera, il pouvait la comprendre, lui-même n'était pas des plus à l'aise lorsqu'il jouait du piano devant un public, aussi minime soit-il. Quelques notes parvinrent aux oreilles d'Amshel, et une mélodie se démarqua au bout de quelques secondes; Si le jeune homme lui avait demandé de jouer, il ne s'attendait cependant pas à ce qu'un chant accompagne le morceau, mais il ne s'en plaignait pas, bien au contraire. Il pouvait plus que jamais le contempler dans sa totalité, sa peau, ses mains, son corps se mouvoir, et sa voix, tout aussi belle que le reste. Une nouvelle mélodie et de nouvelles paroles se firent entendre, Amshel était aux anges, touché au plus profond de lui-même par cet être unique, devant lui, à la beauté et à la voix merveilleuses, était-il en train de rêver ? Non, son imagination était peut-être débordante, jamais il n'aurait été capable de s'imaginer pareille merveille. Lorsqu'elle rangea sa guitare, une dizaine de minutes après que le jeune homme lui ait demandé de jouer, elle avait l'air légèrement plus tendue, sans doutes du fait d'avoir joué devant lui.

Désolée, je... je suis vraiment pas douée.

Sa voix tremblait légèrement, et, à la surprise d'Amshel, son visage rougit également. S'il avait pu admirer la pâleur de son visage, le jeune homme sentit une bouffée de chaleur à l'intérieur de lui-même à la simple vision de cette couleur nouvelle. Il ne savait pas pourquoi, mais il ne parvenait pas à se retenir d'approcher, cette fille qu'il n'aurait jamais cru pouvoir être gênée, agissait sur lui comme un aimant dont la force grandissait de minute en minute.

« Pour peu que mon avis importe, je t'ai trouvé merveilleuse. Tu joues très bien, et ta voix est magnifique. »

Amshel l'observait toujours, il ne parvenait pas à détacher son regard du visage de la demoiselle. Il s'était toujours senti bien dans cette salle, la nuit était tombée et faisait régner une atmosphère calme et discrète, il ne se souvenait plus pourquoi il était venu, et Desdemona était juste là, devant lui. Tout cela avait peut-être un impact sur son comportement, mais le jeune homme posa délicatement une main sur celles alors jointes de la jeune fille.

« Tu te sens bien ? »

Un murmure, un souffle, il voulait paraître aussi calme que possible.

Desdemona aurait pu s'évanouir, si elle n'avait pas été un vampire. Oh, les vampires pouvaient avoir des malaises, bien sûr, mais ça n'était jamais lié à quelque chose d'émotionnel. Elle en avait vu d'autres, pourtant, et de plus effrayantes. Elle avait failli mourir plusieurs fois, eu des relations puissantes, bien que ce ne fut que sexuel, vu des spectacles enchanteurs, mais rien de tout ça n'avait jamais eu un si grand impact sur elle que le compliment que venait de lui faire le jeune homme. Elle bredouilla un "merci" qu'il n'entendit probablement pas et se tût, les joues toujours écarlates. Sans qu'elle ait eu le temps de le voir arriver, le jeune homme était tout près d'elle, et c'était vraiment troublant. Elle avait eu des relations bien plus directes, elle-même parfois s'était jetée sur des hommes pour se lancer dans des ébats nocturnes qu'elle regrettait très souvent, mais là, c'était différent. Elle n'avait pas l'impression que le rapprochement était du même ordre et elle-même n'avait pas envie spécialement de partir avec lui sur ce chemin, bien que l'idée de toucher ce corps fut loin de la rebuter. Quand il posa sa main sur les siennes, elle se mit à trembler, espérant qu'il ne le sentirait pas, et devint encore plus écarlate. Son cœur menaçait de transpercer sa poitrine et elle était quasiment certaine que les battements étaient perceptibles à Amshel. Elle avait du mal à respirer et, bien que ce fut presque en silence, suffoquait légèrement. Lui, si beau, si calme, lui paraissait tout à fait bien gérer la situation. Lui aussi devait en avoir vu d'autres, et des meilleures... Cette idée aurait du la sortir de ses émotions fortes, mais elle n'eut aucun effet. Elle plongea alors ses yeux dans ceux du jeune homme, et n'en sortit pas, même quand elle s'adressa à lui.

Je... euh... Oui, je me sens bien. Je n'en ai pas l'air ?

Elle lui sourit d'une expression peu assurée, espérant qu'il ne répondrait pas qu'il avait remarqué son malaise, et se calma petit à petit en contemplant chaque parcelle des yeux de Amshel, attendant sa réponse.

Les secondes s'écoulaient lentement, semblait-il, et plus ce temps passait, plus l'attraction que la jeune fille exerçait sur lui était puissante. Elle était magnifique et Amshel ressentait l'envie grandissante de s'approcher d'elle et de la toucher plus qu'il ne se l'était déjà permis, de goûter ces lèvres dont la couleur contrastait avec le reste de son visage, de connaître l'odeur de ses cheveux et le parfum de sa peau qui paraissait douce et toute aussi fraîche que ses mains, à cette idée, le garçon frissonna légèrement. C'est alors qu'il se rendit compte que Desdemona tremblait, il pouvait le sentir en tenant dans les siennes les mains de la demoiselle. Il approcha son visage du sien, elle exprimait une légère difficulté à respirer. Amshel était totalement envoûté par ce visage de déesse, ainsi attentif à chacune de ses actions. Curieux, il l'observa silencieusement et tout aussi calmement.

Je... euh... Oui, je me sens bien. Je n'en ai pas l'air ?

Elle hésitait dans le choix de ses mots, elle était déstabilisée, était-ce possible ? En était-il la cause ? Le jeune homme lui sourit, son visage occupait l'intégralité de ses pensées, il était certainement responsable du comportement de la jeune fille, il ne savait pas trop pourquoi mais quelque part au fond de lui-même, ça l'amusait.

« Tu trembles, un peu de mal à t'exprimer, et je ne te trouve plus cette assurance que tu as toujours montré... »

Il approcha un peu plus son visage du sien.

« Je me demande... »

Une main sur celles de la jeune fille, il glissa rapidement mais délicatement une main dans la chevelure de Desdemona, dans les tons violets dû la semi-obscurité de la salle.

« Je te dérange, peut-être? »

Il se retenait de l'embrasser, alors que leurs lèvres étaient à quelques centimètres seulement les unes des autres, les yeux dans les yeux, il afficha un sourire en coin, ravi au fond de lui de l'impact de sa présence sur l'état de le jeune demoiselle, mais toujours perdu dans sa contemplation d'une telle beauté vivante. En cet instant, il la désirait, plus que tout au monde.

Desdemona aurait voulu s'enfuir. Courir loin, très loin de la tentation que présentait le jeune homme. Elle n'avait pas bu le sang d'un humain depuis assez longtemps et avoir ce jeune homme si près d'elle, sentir son contact, d'abord au niveau des mains, puis des cheveux, être embaumée par cette odeur sucrée qui émanait de lui... cela pouvait être dangereux, aussi bien pour Amshel que pour elle. Mais, en même temps, que pouvait-elle faire ? Et puis, l'attirance qu'elle avait pour lui ne se résumait pas à une attirance de prédateur, c'était bien plus compliqué. Cela lui rappelait étrangement un livre qu'elle avait lu quelques années auparavant, mais elle ne s'identifiait alors pas au personnage qu'elle "était" maintenant. Cette pensée la faisait sourire, et elle reprit un peu le contrôle d'elle-même. Pour peu que Amshel ne se rapproche pas plus encore, elle pourrait aisément garder son calme, ou ce qu'il en restait. Sauf si elle continuait à l'observer. Ses yeux étaient si prenants qu'elle avait du mal à ne pas s'y perdre et ses lèvres charnues attiraient tant celles de Desdemona que, si elle ne s'était pas retenue avec un tel acharnement, elle aurait très probablement cédé à la tentation et goûté à leur parfum. Desdemona se recula légèrement. Elle n'appréciait pas que ce jeune homme ait un tel pouvoir sur elle et le sourire qu'il avait plus adressé à lui-même qu'à elle montrait que cela lui plaisait. Des' reprit alors un air naturel, et son sourire habituel, avant de lui répondre.

Pas le moins du monde. Et, au fait, qu'allais-tu dire, après "je me demande" ?

Elle le regarda d'un air curieux, attendant sa réponse.

Amshel savait que le regard de la jeune fille glissait sur lui comme le sien sur elle, et aussi simple que cela pouvait paraître, ça lui plaisait. Sa question semblait l'avoir ramené légèrement à la raison, elle s'était, même si c'était d'une courte distance, éloignée du jeune homme. Son visage redevint alors celui qu'il avait vu en arrivant, bien que ses yeux semblaient toujours briller d'une certaine admiration, elle sourit comme elle avait certainement l'habitude de le faire très souvent aux gens qu'elle pouvait croiser.

Pas le moins du monde. Et, au fait, qu'allais-tu dire, après "je me demande" ?

Le garçon remarqua également dans dans son ton qu'elle avait repris de l'assurance, elle avait prononcé ces mots sans ciller, aucune hésitation, pas de trace d'une émotion particulière dans sa magnifique voix. Elle s'était reculée, mais lui ne voulait pas être distancé par cette belle demoiselle, il ne savait plus trop ce qu'il faisait et ne considérait même plus les conséquences que ses éventuels actes pourraient avoir comme il avait toujours l'habitude de faire auparavant. Il ne faisait plus attention au passé ou au futur, il se concentrait uniquement sur le présent, sur ce qu'il vivait dans cette salle, ici et maintenant, chaque seconde qui s'écoulait était pour lui un bonheur et un supplice. Il pouvait sentir, toucher, admirer la créature la plus désirable qu'il avait pu voir de toute sa vie, mais contenir son envie de l'embrasser, d'aller plus loin, le contrariait profondément. Dément, il était en train de le devenir, non, il l'était devenu.

« Lorsque l'on trouve une magnifique fleur, un jour, on a qu'une envie, c'est de s'imprégner de son odeur. A l'instant où l'on découvre un splendide fruit, tout ce qu'on désire, c'est de connaître son goût. Et quand on croise le regard d'une déesse pour la première fois, on a seulement envie de s'y perdre. »

Il passa son autre main sur la nuque de la jeune fille, se rapprochant davantage de son visage.

« Tout ce que je veux, moi, c'est découvrir. »

Il laissa glisser sa main droite dans les cheveux de la belle tandis qu'avec la gauche, il pressait doucement sa nuque pour approcher son visage du sien, ses lèvres des siennes. Il n'avait pas spécialement discuté avec Desdemona, il l'avait rencontré dans le bureau du directeur, elle lui était pratiquement tombée dessus, elle était distante, il ne la connaissait pas depuis très longtemps, et malgré tout, il avait envie d'elle. Délicat mais rapide, il jubila au contact de la chair de la jeune fille contre la sienne. Il n'aurait pas pu décrire avec exactitude le goût de ces merveilleuses lèvres, mais il pouvait assurer qu'elles étaient délicieuses.

« Tout ce que je veux, moi, c'est découvrir. »

Lorsque Desdemona sentit l'étreinte et le baiser du garçon, elle se retint fortement de ne pas l'envoyer à l'autre bout de la pièce. Elle avait horreur d'être dominée, surtout dans ce genre de relations. Mais l'instant lui plaisant, elle se laissa embrasser. Ce garçon envoûtant embrassait divinement bien, il fallait le reconnaître. Ce qui était étrange, pour Desdemona, c'est qu'elle n'avait jamais eu de telles relations avec un humain. Enfin, aucune après laquelle elle n'avait pas vidé le pauvre homme de son sang. Là, c'était différent. De plus, elle se laissait faire alors que ça n'était pas son genre, elle était celle qui choisissait l'heure, l'endroit et la personne. Et jamais le contraire. Sauf cette fois. Le baiser qu'elle échangeait avec Amshel était long et Desdemona se demandait s'il s'arrêterait jamais. Il eut pourtant une fin, et Desdemona se glissa hors des bras du jeune homme et s'éloigna, se collant aux fenêtres de la pièce. Quand elle lui parla, elle était sûre d'elle, et moins troublée qu'avant le baiser. Car celui-ci lui avait remis les idées en place, et c'était tant mieux.

Écoute, tu es plutôt mignon, même vraiment très attirant, mais non merci. J'ai assez vécu de plans d'un soir et là j'en ai ma claque. Je t'ai peut-être semblé facile à mettre dans son lit mais, désolée pour toi, ça n'est pas le cas. Alors, s'il te plaît, ne recommence rien de la sorte, car tu pourrais le regretter si je me débattais.

Amshel savourait autant qu'il le pouvait le baiser qu'il avait 'volé' à Desdemona, il ne savait pas quand et comment ça se terminerait, alors autant en profiter au maximum. Au bout de quelques seconde, minutes peut-être, la jeune demoiselle se détacha des bras du garçon lorsque le baiser pris fin. Tout contact entre leurs deux corps disparut en un rien de temps. Elle s'éloigna de lui, marchant d'un pas décidé vers les fenêtres de la salle d'art dramatique. Elle devait à présent être en pleine possession de ses moyens, et le jeune homme allait enfin connaître l'avis de Desdemona sur la question. Peut-être avait-elle apprécié le baiser, ses bras autour d'elle, ou le contraire, chose qui était naturellement à craindre, puisqu'Amshel l'avait comme qui dirait un peu forcée.

Écoute, tu es plutôt mignon, même vraiment très attirant, mais non merci. J'ai assez vécu de plans d'un soir et là j'en ai ma claque. Je t'ai peut-être semblé facile à mettre dans son lit mais, désolée pour toi, ça n'est pas le cas. Alors, s'il te plaît, ne recommence rien de la sorte, car tu pourrais le regretter si je me débattais.

Le garçon glissa les mains dans ses deux poches, soupira, le sourire aux lèvres, et marcha jusqu'aux fenêtres, pour s'arrêter près de la jeune fille, le regard perdu dans l'obscurité. Il réfléchissait.

« Loin de moi l'idée de te considérer comme une fille facile, si tu as cru ça, je m'en excuse, ce n'était vraiment pas mon intention. J'ai comme qui dirait cédé sous le poids de la tentation, à ma grande surprise d'ailleurs, car ça ne m'était à vrai dire jamais arrivé. »

Le jeune homme marqua une pause, le regard toujours perdu dans les ombres de la nuit, à l'extérieur.

« Mais quitte à devoir le regretter... »

Amshel, alors amusé, afficha à nouveau un sourire, pour lui même, en quelque sorte. Il était conscient du fait que sa présence ne mettait pas très à l'aise la jeune fille, qu'elle avait semblait-il un certain mal à le repousser, mais il pensait aussi que quelque chose la dérangeait, sans doutes était-elle irritée par une telle impuissance, aussi minime soit-elle. Le garçon tenta d'imaginer quelques secondes la scène, lui, embrassant de force, de nouveau, Desdemona, tandis qu'il l'étreignait contre lui. Comment se débattrait-elle ? Elle ne doutait pas de sa force, était-ce si impressionnant ? Amshel était curieux, en plus du désir de renouveler cette délicieuse expérience, il voulait voir la jeune demoiselle se débattre, se mettre en colère, pour de vrai. Il ne savait pas exactement pourquoi il tenait tant à connaître sa force, mais comme il l'avait toujours pensé, elle était spéciale, ainsi pensait-il que la curiosité était respectable. Son sourire en coin se marqua un peu plus tandis qu'il se tournait vers Desdemona, elle avait l'air sûr d'elle et un peu agacée, lui avait l'air moqueur et amusé.

« Te débattre, dis-tu... »

Il s'approcha rapidement de la jeune fille espérant la surprendre un minimum pour pouvoir la toucher encore. Il ne ralentit pas en arrivant tout près d'elle, et se plaça derrière la jeune fille juste avant de la plaquer contre le mur, il se pressa contre son dos pour pour tenter de l'empêcher de bouger tout en lui caressant les hanches. L'air narquois, il ricana légèrement, forçant de plus en plus sur ses muscles pour que Desdemona ne puisse pas se dégager, enfin, c'est ce qu'il espérait.

Voilà qu'il la baratinait avec des "c'est la première fois"... Classique ce coup. La seule chose qu'il ne savait pas, c'est que c'était vraiment la première fois, mais pas pour les mêmes raisons. C'était très probablement la première fois qu'il était attiré par un vampire, de plus un qui ne le viderait pas de son sang. Pas aujourd'hui du moins, mais si un jour Desdemona ne se contrôlait pas... qui sait ce qu'il pourrait se passer. Perdue dans ses pensées, elle se fit surprendre par Amshel qui se retrouva derrière elle, la serrant sans ces bras avec une force... humaine. Il passa ses mains sur les hanches de Desdemona. Ce fut trop. De quel droit se permettait-il d'agir de la sorte ? Mais, en même temps, cela ne déplaisait pas à la jeune fille. Mais elle détestait qu'il put avoir le dessus. Elle décida alors de réagir et, là, ce serait lui qui serait surpris. Pas tout de suite... Elle voulait profiter encore un peu de ces douces mains... Goûter de nouveau à ces magnifiques lèvres, caresser ce visage parfait... Alors elle fit ce qu'elle ne voulait absolument pas faire, du moins ce que la raison lui interdisait. Elle se détacha sans mal de l'étreinte d'Amshel, se retourna et, d'une main, le plaqua contre le mur. Là, au lieu de lui mettre un coup dont il se souviendrait aussi bien à cause de son impact physique que mental, elle s'approcha de lui doucement. Leurs lèvres étaient éloignées de quelques centimètres seulement et Desdemona eut de nouveau les idées claires. Il fallait qu'elle s'écarte, doucement, et qu'elle s'en aille, maintenant. Mais ses mains brûlaient d'envie de toucher la peau du visage du jeune homme et sans qu'elle en eut conscience, sa main droite se posa délicatement sur la douce nuque d'Amshel, l'effleurant, puis caressa enfin cette extraordinaire figure et alla se perdre dans les cheveux d'ébène du jeune homme. Elle s'approcha encore de lui, collant son corps contre le sien, et posa doucement ses lèvres sur les siennes. Le baiser semblait ne pas vouloir s'arrêter, ce qui plaisait beaucoup à la jeune fille. Sentir ses lèvres entremêlées à celles d'un jeune homme, caresser la langue d'une autre personne de la sienne, toucher le visage de celui qu'elle embrassait, tout cela n'était pas nouveau pour elle, mais c'était la première fois que cela lui faisait un tel effet. Néanmoins, au bout d'un temps qu'elle n'aurait pu déterminer, elle interrompit le baiser, haletante, et recula.

Désolée, je ne sais pas ce qu'il m'a prit. En tous cas, amuse-toi encore une fois à me toucher sans mon consentement et cela se finira très mal. Je ne suis pas une poupée gonflabe, Amshel.

Le garçon n'avait plus conscience de tout ce qui l'entourait, autant la classe que le pensionnat lui-même, il en oublia l'existence de l'île, du monde. Tout ce qu'il voyait, c'était cette fille, rien d'autre. Elle se trouvait là, devant lui, certainement contre son gré, lui, caressant ces hanches parfaites et douces, froides. Cependant, Amshel ne s'attendait pas du tout à voir Desdemona se mouvoir aussi facilement, ni à se retrouver dans une situation presque inversée, lui plaqué au mur par la seule main de la jeune fille, elle, s'approchant du garçon. Sur le coup, il n'arrivait pas à comprendre avec quelle aisance et quelle force elle avait pu ainsi le coincer à son tour contre le mur. Il ne se vantait pas de sa force qu'il avait malgré tout entretenu un minimum durant toutes ces années, mais il ne parvenait pas à avaler correctement l'écart qui le séparait de la demoiselle. Il n'avait pas pu résister, pas une seule seconde, elle était il ne savait combien de fois plus puissante que lui. Elle ne doutait pas de sa force, et elle avait raison. Amshel fut quelque peu ramené à la réalité lorsqu'il sentit un contact froid mais doux sur sa nuque, c'était une main de cette déesse. Elle lui caressa la figure et continua son geste jusque dans ses cheveux, puis se colla à lui. Le jeune homme ne pouvait plus rien faire, il ne lui restait plus qu'à savourer, comme la première fois. Desdemona l'embrassa à nouveau, c'était encore plus délicieux que précédemment, autant ses lèvres que sa langue. Et ce moment de bonheur prit fin. Haletante, elle s'éloigna du garçon.

Désolée, je ne sais pas ce qu'il m'a prit. En tous cas, amuse-toi encore une fois à me toucher sans mon consentement et cela se finira très mal. Je ne suis pas une poupée gonflable, Amshel.

Il n'était pas capable de bouger, ou simplement ne le voulait-il pas. Chaque seconde contre sa peau avait été un délice, elle-même semblait apprécier. Là, devant lui, reprenant sa respiration, elle le regardait. Il avait totalement perdu le contrôle de la situation mais pourtant, il ne regrettait pas un seul instant de ce qui venait de se passer. Mais il avait beau avoir apprécié cela plus que toute autre chose jusqu'à maintenant, il ne voulait pas la blesser. Il ne la considérait pas comme le qualificatif qu'elle venait de prononcer, Amshel voulait qu'elle puisse comprendre la façon dont il la voyait. C'était à son tour de ne plus trouver ses mots, il ne savait tout simplement pas quoi dire. Il n'était pas capable de décrire avec de simples phrases ce qu'il pouvait ressentir pour cette jeune fille, il n'arriverait pas à lui prouver sa bonne foi. Les conséquences, elle arrivaient.

« Je ne veux pas que tu penses que je te considère comme... Une poupée. Je suis désolé pour ce qui s'est passé et si cela te dérange ça ne se reproduira plus, si c'est une erreur je ne la commettrais pas une seconde fois. J'ai juste craqué... Pour toi. »

Les mains dans les poches, la tête légèrement baissée, il ferma les yeux. Il se trouvait réellement stupide d'essayer de se justifier ainsi, lui qui n'avait jamais pris la peine de donner des explications à ceux qui peut-être en méritaient. Il se désintéressait des gens et de ce que tous pensaient de lui, et pourtant, là, c'était différent. Il soupira, souriant.

« Mais si ça ne te dérange pas, dis-le moi. »

Il releva la tête pour croiser le regard de la jeune fille, il avait envie de l'embrasser encore.

J'ai juste craqué... Pour toi.

Woaw. Si ça n'était pas la première fois qu'un homme disait à Desdemona qu'elle lui plaisait, c'était la première fois qu'on lui disait de cette façon. Desdemona vivait à Psycadélice avant d'arriver au pensionnat et, depuis qu'elle avait atteint l'âge où on ressemble à une femme, elle s'était toujours fait courtiser comme une adulte. Là, elle avait l'impression d'être de nouveau une adolescente... ce que, en y réfléchissant, elle était. Elle trouvait Amshel très mignon avec son air tout innocent et timide. Cela lui faisait retrouver ses moyens car, le jeune homme ayant perdu de son assurance, il ne dominait plus et elle pouvait enfin reprendre le contrôle d'elle même, ce qu'elle fit sans trop de mal. Elle s'approcha de nouveau du jeune homme, souriante et écarlate.

Je... Euh, c'est très flatteur mais...

~ Mais je suis un vampire et je ne peux pas sortir avec un humain. Et le pire c'est que je peux même pas t'expliquer tout ça ! Pff, c'est vraiment chiant ! On peut jamais faire ce que je veux dans la vie... ~

Sa phrase suivante, qu'elle dit en s'approchant encore du garçon, elle n'aurait pas voulu la dire à voix haute, car elle sous-entendait qu'il y avait un souci. Néanmoins elle ne fit pas attention à ce qu'elle disait et la phrase sortit de sa bouche, dans un murmure, sans qu'elle lui en ait donné l'ordre.

Oh et puis meeeerde ! Je fais bien ce que je veux...

Elle s'approcha encore de Amshel, doucement, et l'embrassa de nouveau.

Il l'observait silencieusement, retrouvant le tableau qu'il avait pu contempler en arrivant dans la salle, un peu plus tôt. Elle le regardait, réfléchissant certainement à ce qu'il venait de lui dire. Il s'était exprimé librement, il n'avait pas beaucoup réfléchi, c'était venu tout seul. Un sourire apparut alors sur le visage de la jeune fille, elle s'approcha de nouveau.

Je... Euh, c'est très flatteur mais...

« Mais ». Il avait eu comme une bouffée de chaleur en entendant ses premiers mots, certain d'avoir réussi à l'atteindre, certain qu'il allait pouvoir la reprendre dans ses bras, partageant cette fois ce délicieux moment à deux, il pensait avoir réussi à se faire comprendre, mettre des mots sur ce qu'il ressentait. Pourtant, tout ça s'étouffa au fond de lui même à l'entente de ce « mais », il avait espéré, mais ce n'était au final certainement pas possible, bien qu'elle avançait toujours vers lui, lentement. Son coeur se mit à battre légèrement plus fort. Est-ce que tout était vraiment fini ?

Oh et puis meeeerde ! Je fais bien ce que je veux...

Sa voix avait presque été inaudible, mais ces mots étaient la preuve que quelque chose la préoccupait, une pensée l'avait presque retenue, qu'est-ce qui pouvait ne pas aller ? Se préoccupait-elle de la cause de son incroyable force ? D'ailleurs, d'où pouvait-elle lui venir ? A quel point était-elle spéciale ? Une agréable sensation effaça ces réflexions, la jeune fille l'embrassait. Une main glissa jusqu'à sa nuque, une autre alla se perdre une nouvelle fois sur ses hanches. Il avait comme l'impression de rêver, de se trouver si loin de la réalité, Desdemona semblait irréelle, déesse venue du ciel, atterrie dans ses bras à lui. Il ne quittait les lèvres de la belle uniquement pour respirer un peu, et recommencer à l'embrasser presque aussitôt. Il quitta la hanche de la jeune fille pour venir poser ses deux mains sur ses joues, plongeant son regard dans le sien.

« Tu sembles préoccupée. »

Et voilà qu'il posait des questions ! Elle avait été bien, quelques minutes avant, mais là elle était plus que mal à l'aise. Elle n'avait pas très envie de mentir mais n'avait pas trop le choix. Elle préféra l'omission.

Non, pas du tout, ne t'en fais pas !

Elle se remit à embrasser le jeune homme mais sentit qu'il ne l'embrassait plus de la même façon, qu'il s'éloignait doucement. Il voulait sa réponse, mais elle ne pouvait pas la lui donner, pas tout de suite. Cela aurait été dangereux aussi bien pour lui que pour elle. De toutes façons on annonçait pas à un nouveau petit-ami, ou du moins à une personne qui s'en rapprochait, que l'on était un vampire et une sorcière au stade embryonnaire de la relation, cela était absurde.

Écoute, je vais très bien, j'ai juste quelques soucis... familiaux. Rien de très grave et, honnêtement, rien qui te concerne. Enfin... pour l'instant, je crois. Bref, je n'ai pas vraiment très envie d'en discuter maintenant... S'il te plaît...

Elle regarda le jeune homme qui ne semblait pas satisfait de la réponse. Elle lui fit ses yeux de petit ange innocent et, aux vues du sourire qu'il lui adressa, cela avait dû marcher. Elle se blottit contre lui et huma l'odeur de sa peau, ne pensant à plus rien d'autre et espérant qu'il ne poserait pas d'autres questions.

Non, pas du tout, ne t'en fais pas !

Elle se rapprocha de lui et l'embrassa à nouveau, mais Amshel désirait savoir, si quelque chose n'allait pas il avait le droit de s'en inquiéter. Son baiser fut quand même agréable, le jeune homme en oublia presque le souci qui s'était fait sentir dans les mots de Desdemona. Cette dernière s'en rendit compte, car elle se détacha de ses lèvres pour reprendre la parole.

Écoute, je vais très bien, j'ai juste quelques soucis... familiaux. Rien de très grave et, honnêtement, rien qui te concerne. Enfin... pour l'instant, je crois. Bref, je n'ai pas vraiment très envie d'en discuter maintenant... S'il te plaît...

Amshel ne savait pas si elle disait la vérité et que ça la dérangeait, ou si elle avait un peu du mal à trouver une excuse pour contourner d'éventuelles explications. Il pencha pour la seconde solution. Etait-ce trop personnel pour qu'elle ne désire pas lui en parler, ou était-ce quelque chose qu'il viendrait à blâmer, ce qu'elle ne voulait apparemment pas ? Pouvait-il lui reprocher de le lui cacher ? Après tout, non, ce n'était pas si grave, il était près d'elle, c'est la seule chose qui lui importait. Attentif à chacune des expressions de la jeune fille, elle lui lança un regard des plus attendrissant sous lequel il céda, le sourire aux lèvres. Elle vint se nicher entre ses bras, ses cheveux sentaient exceptionnellement bon, le garçon se pensait envoûté. Caressant sa belle chevelure du bout des doigts, il se demandait quelle heure il pouvait être, puis, après un bref regard vers une fenêtre de la salle, il n'y porta plus d'importance. Elle était là, dans ses bras, tout contre lui. L'enlaçant tendrement, il ferma les yeux et huma encore une fois l'odeur de ses cheveux. Elle était belle, c'était un fait établi. Sa peau était étrangement froide, ses yeux d'une couleur inhabituelle, et sa force était incroyable... Comment avait-elle pu être assez maladroite au point de lui renverser une tasse de thé dessus ? Barsanuphe n'avait finalement même pas eu l'air étonné, quelque chose n'allait pas... Il était de plus persuadé que c'était simplement de l'eau qui avait terminée sur sa chemise, pas du thé, qui aurait dû laisser une odeur sur ses vêtements, et ça n'avait pas été le cas. Il se souvint également de la secrétaire du Directeur, Mlle Tickles, qui était alors trempée lorsqu'il avait pénétré dans le bureau de Mr Bartavelle, elle avait l'air plus en colère que surprise. La bibliothèque contenait des livres dont les auteurs lui étaient inconnus, alors qu'il avait toujours été un grand adorateur de la lecture, comment pouvait-il ne pas connaître ne serait-ce qu'un seul de ces noms ? Il avait toujours trouvé qu'il régnait une ambiance particulière dans les salles de classes, certaines personnes n'innovaient pas leurs fréquentations, comme s'ils partageaient tous quelque chose en commun et qu'il le gardait pour eux, un secret. Desdemona avait-elle un secret qu'elle ne désirait pas partager ? Un nouveau souvenir du bureau du Directeur lui revint en mémoire, il aurait pu jurer avoir vu des fauteuils apparaître, ou du moins changer de place sans intervention humaine. Sans intervention humaine... Peut-être était-ce le mot ? Emporté par le flot de ses réflexions, Amshel ne fit même pas attention lorsqu'il murmura l'une de ses pensées.

« Il y a quelque qui cloche dans ce pensionnat... »

Il ne parvenait plus à ouvrir les yeux, il sentait le noir autour de lui, il savait qu'il tenait Desdemona dans ses bras même s'il ne la voyait plus, mais il avait l'étrange sensation qu'une troisième personne était toute proche, qu'elle l'épiait. Un frisson parcourut le garçon, il avait froid. Il savait que cette sensation si soudaine n'était pas dû à la fraîcheur de la peau de la jeune fille, il s'imaginait une ombre glacée se former autour de lui. Il n'arrivait toujours pas à ouvrir les yeux, il n'en avait plus la force, il avait froid, se sentait faible. Il ne sentait plus Desdemona contre son torse, ni même dans ses bras, il ne voyait plus les bureaux de la salle, les fenêtres, le rayon de la Lune, tout était noir. Il n'était pas conscient d'avoir lâché la demoiselle et d'avoir glissé contre le mur jusqu'au sol, il n'était plus conscient du tout. Il n'y avait plus que le froid, et le noir, il était seul.

Il y a quelque qui cloche dans ce pensionnat...

Ouch... Ne jamais dire ça... Dans le pensionnat tenu par Barsanuphe Bartavelle, les murs ont des oreilles. Excepté sur le toit, on ne peut rien dire qui reste secret. Du moins que le directeur ne sache pas. Desdemona savait parfaitement ce qui allait arriver. C'est pour cette raison qu'elle sut immédiatement le geste à faire et qu'elle le mit à exécution. Elle pressa légèrement ses doigts sur les côtes de Amshel, lui jetant un sort qui le fit glisser contre le mur puis tomber au sol. Lorsque Barsa arriva, ou plutôt sa projection, Amshel était au sol, invisible dans l'obscurité, du moins par le spectre de son cousin qui possédait des sens quelque peu amoindris. Elle regarda l'ombre de son cousin lui lancer un regard interrogateur, et elle haussa simplement les épaules. Elle prit donc exactement la voix d'Amshel (posséder des pouvoirs avait du bon).

Il y a quelque qui cloche dans ce pensionnat...

Puis elle reprit sa voix normale, affichant un air dérouté de la visite de son cousin.

Je ne comprends pas. Tu me dis de travailler la magie et, lorsque je travaille ma transformation vocale, tu viens m'observer. Oui, quelque chose cloche dans ce pensionnat, c'est que les élèves obéissent tant. Bref, si tu pouvais t'en aller, cela serait super.

Son cousin ne voulant pas arrêter, elle prononça une incantation qui détruisit la projection. Son cousin mettait en moyenne 5 minutes pour se projeter de nouveau. En 5 minutes, avec Amshel sur son dos, elle serait sur le toit. Sans bruit, elle porta le corps inanimé d'Amshel et se mit à courir.

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