Rencontre nocturne

Desdemona avait laissé son cousin depuis quelques temps et ne savait trop quoi faire. Soudain prise d'une envie d'évasion pas assez puissante néanmoins pour la faire sortir du pensionnat, elle avait décidé de se rendre sur le toit pour respirer un peu d'air frais. Une fois là-haut, elle avait allumé une cigarette et commencé à fumer. Elle commença à marcher sur le toit, réfléchissant à cette année qui s'amorçait. Elle se demanda notamment comment elle allait bien pouvoir faire semblant d'être humaine durant tout une année, d'autant qu'elle risquait d'être fortement attirée par le sang de certains élèves. Et puis il y avait Barsanuphe. Bien sûr, elle adorait son cousin et se réjouissait de passer l'année en sa compagnie. Mais elle savait aussi qu'elle devrait se comporter avec lui d'une toute autre façon la plupart du temps. Il allait être son professeur et la familiarité allait devoir être abolie. Mais elle savait pertinemment aussi qu'une fois les cours terminés elle ne pourrait se retenir d'aller le voir dans son bureau et de se comporter très naturellement avec lui. Néanmoins elle devrait garder un peu de décence étant donné que les autres professeurs ne devraient absolument pas se douter des privilèges qu'elle avait. Elle pensait également à cette imbuvable blondinette qu'elle ne pourrait supporter toute une année. Elle marchait toujours quand elle aperçut, de dos, assise au bord du toit, les jambes dans le vide, une silhouette qui semblait être celle d'un jeune homme et arborait des cheveux très blonds. La vue de ce jeune homme la tira de ses réflexions et elle décida de faire sa première connaissance en tant qu'élève, en espérant que le garçon ne serait pas un de ses insupportables coincés d'humains comme elle en croisait souvent. Elle s'avança doucement et quand elle fut à proximité de l'étudiant, elle lança :

Belle soirée, n'est-ce pas ?

Le jeune homme tourna la tête dans sa direction et, bien qu'elle ne put vraiment voir son visage, elle remarqua ses grands yeux bleus, qui lui donnaient un air plutôt mystérieux. Voyant qu'il ne lui répondait pas, elle décida de poursuivre.

Alors, on enfreint déjà le règlement ?

Et elle alla s'asseoir à côté de lui.

Le soleil s’était couché depuis peu, et les premières étoiles étaient apparues dans le ciel limpide de la nuit. La lune avait également fait son apparition, plus brillante que jamais. Assis sur le rebord du toit, il s’occupait à observer le ciel et à écouter le bruit du vent, histoire de se détendre. Non pas qu’il était tendu, mais ça faisait du bien. Et alors qu’il faisait face à l’immensité des cieux, une voix rompit le silence. Surpris, il tourna la tête. Il dévisagea un instant la jeune femme qui se tenait devant lui, mais garda le silence.

Alors, on enfreint déjà le règlement ?

Et c’est sur ces mots qu’elle s’assit à ses cotés, en tirant un coup sur sa cigarette. Elle rejeta sa tête en arrière, sans ajouter plus un mot. Il se redressa, et dit, d’un ton un tant soit peu ironique :

Il semblerait d’ailleurs que je suis plus le seul dans ce cas, non ?

C’était peut être une impression, mais la remarque lui avait arraché un sourire. Décidant de continuer ainsi, il ajouta :

De plus, j’ignore si la cigarette est autorisé dans l’enceinte de l’établissement, si ? Enfin bon. Les probabilités pour qu’on nous trouve ici sont si faible qu’on ne devrait pas en tenir compte.

Il se tourna légèrement vers son interlocutrice, et dit, en essayant de paraître naturel :

Bon, j’imagine que je me dois de faire les présentations ? Mon nom est Tuomas.

Normalement, il n’aura jamais dit ça. Il se serait juste contenter de partir, voulant retrouver un isolement, comme celui que lui procurait le toit. Mais pourtant cette fois, cette fille l’intriguait. Rien que le fait qu’ils se croisent sur le toit était … intriguant. D’autant qu’il n’avait pas l’habitude de désobéir au règlement. Enfin pas souvent. Des fois. Mais qu’importe, pensa-t-il, en remarquant qu’elle n’avait pas répondu et qu’elle continuait d’observer le ciel. Alors qu’il se disait que les rôles semblaient quelque peu inversés, il ajouta, à nouveau de façon ironique :

Normalement, c’est maintenant que tu me donne ton nom, non ?

Et il continua de la fixer, en attendant surement la réponse à sa question, même si il n'espérait pas vraiment une réponse. Mais elle n'avait pas l'air hostile.

Desdemona, assise à côté du jeune homme, regardait le ciel. Tout était paisible ce soir, et le garçon à côté d'elle était sûrement venu chercher le calme ici. Elle n'était pas certaine qu'il lui répondrait, mais il ne semblait pas vouloir s'en aller, et c'était déjà quelque chose. Les premiers mots qu'il prononça furent ironiques, ce qui la fit sourire mais elle décida de ne pas répondre, préférant tester l'envie éventuelle que ce jeune homme pouvait ressentir d'avoir une conversation avec elle. S'il continuait à parler, elle pourrait sans problème lui répondre et la conversation continuerait. S'il arrêtait, ce serait montrer une indifférence et elle irait s'asseoir de l'autre côté du toit, car elle n'avait pas envie de l'ennuyer étant donné qu'il était arrivé avant elle et que ses yeux semblaient cacher bien des choses sombres qu'elle avait envie de connaître. Elle l'entendit la taquiner à propos de sa cigarette, ce qui la tira quelque peu de ses pensées. Elle ne répondit cependant pas, voulant voir si le garçon continuerait de parler. Il se tourna vers elle et lui apprit qu'il s'appelait Tuomas. Elle savait qu'elle aurait du répondre, mais sourit doucement, la tête orientée vers l'immensité noire qui se tenait au dessus d'eux, testant les limites du jeune homme

Normalement, c’est maintenant que tu me donnes ton nom, non ?

La voix du jeune homme avait encore une fois pris un ton ironique, ce qu'elle appréciait beaucoup. La tête toujours orientée vers le ciel, elle lança un regard discret, imperceptible en direction de Tuomas et vit qu'il la fixait, ce qui ne lui déplut pas autant qu'à son habitude. Elle prit un faux air las, qui laissait volontairement voir qu'elle plaisantait.

Oui, je crois que c'est à mon tour de me présenter. Je m'appelle Desdemona, mais tu peux m'appeler Des', ce qui est un privilège étant donné que pour l'instant la seule personne hormis mes parents à me surnommer de la sorte est mon cousin, et je peux t'assurer que quiconque m'ayant appelé Des' sans mon autorisation à ce jour a très vite compris que recommencer serait fatal.

Elle marqua une pause, tourna la tête vers Tuomas et lui décrocha un grand sourire, puis tira sur sa cigarette avant de poursuivre.

Je ne sais pas si c'est interdit ici, mais je ne compte l'éteindre, encore moins alors que l'on est sur un toit et que cela ne dérange personne. Je me moque un peu du règlement, et je dirais même que j'aime l'enfreindre, non pas que cela m'envoie de l'adrénaline, mais je trouve le règlement tellement stupide que je préfère ne pas en tenir compte.

Elle s'interrompit afin de dévisager le garçon qui la fixait toujours de ses grands yeux bleus. Elle lui sourit une deuxième fois, ce qui faisait beaucoup pour un garçon qu'elle avait rencontré cinq minutes plus tôt.

Alors, Tuomas, que fais-tu sur le toit à une heure pareille ?

Eh bien, répondit-je, pour tout te dire, j’essaye juste d’avoir un moment de tranquillité, histoire de me reposer. Et la vue est très belle ici non ?

Alors qu’elle semblait acquiescer d’un signe de tête, et je poursuivis, comme content qu’elle soit venue me déranger. La solitude est souvent plus apprécier quand on est deux. Alors qu’il se rendit compte de l’absurdité de sa pensée, il continua, amicale :

Comme j’imagine que tu es venue ici pour la même raison que moi, je ne te retournerais pas ta question. En tout cas, je te remercie du privilège que tu me fais, Des’. Je te dirais bien que tu peux m’appeler Tu’, mais je risque de ne pas aimer ça, dit-je en essayant d’apporter un peu d’humour.

La voyant sourire de nouveau, il se dit qu’elle n’était pas avare de ces sourires, au moins. Peut être était-ce aussi une faveur ? Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas eu autant de faveur, notamment d’une personne qu’il connaissait depuis moins d’un quart d’heure. Ca pourrait en devenir même assez louche. Mais la prudence ne semblait plus de mise, alors il enchainât :

Mais cette cigarette, si c’est moi qui te demandais de l’éteindre, tu le ferais ?

Alors qu’il avait ajouté ça pour plaisanter un peu, il commençait à se demander s’il avait bien fait. Le sourire avait disparu du visage de Des’, et, d'instinct, il se trouva d'un coup moins confortable. Non pas qu'il avait peur, mais il s’empressa d’ajouter :

M’enfin, ce ne sera pas le cas. Ca ne me dérange pas. Du tout même.

Pourtant, en observant Des' dans les yeux, il n'y vit aucune colère, ou quoi que ce soit qui y ressemble, et il fut soulagé. Il remonta les jambes sur le toit, histoire d'être un peu plus confortable, et s'assit en tailleur, faisant face à Des', en attendant sa réaction, persuadé maintenant qu'elle ne lui en voudrait pas. Enfin presque.

Desdemona continuait à regarder le jeune homme, continuant de tester ses limites en ne répondant pas à ses questions . Elle sourit à sa boutade sur le surnom qu'elle aurait pu lui donner, retenant en réalité un rire qui aurait pu laisser entendre au jeune homme qu'elle lui portait un grand intérêt, ce qui était sans aucun doute vrai, mais il ne devait pas le savoir. Elle souriait déjà beaucoup trop et ne devait en aucun cas se laisser aller à un rire qui l'aurait démasquée. La remarque que Tuomas lui fit sur la cigarette lui fit perdre son sourire, non pas qu'elle fut en colère mais plutôt plongée dans ses pensées. Elle se posait la question à elle-même en réalité. D'un côté, s'il lui avait demandé d'éteindre sa cigarette cela aurait été très irritant, et sa première pensée aurait été de lui dire d'aller se faire voir. D'un autre côté, c'était lui, et bien qu'il fut un parfait inconnu, elle aurait très probablement éteint sa cigarette. Mais pourquoi ? Il n'était qu'un élève parmi tant autres et qui plus est qu'elle ne connaissait pas ! Elle tenta de se calmer et continua à dévisager le jeune homme qui la regardait dans les yeux. Le voyant changer de position, elle tira sur sa cigarette encore une fois sans détacher son regard du sien. Les grands yeux bleus du garçon, qui lui donnaient un air d'enfant curieux -ce qui, au lieu d'énerver Des', l'attendrit quelque peu- paraissaient chercher dans les siens une réponse à la question qu'il devait se poser "m'en veut-elle ?". Elle lui sourit afin de lui éviter une inquiétude vaine et se décida à parler.

Tu te trompes, Tuomas. Je ne suis pas ici à cause d'un besoin de calme et de solitude mais plutôt d'air et de liberté... Je me sens trop enfermée dans ce pensionnat. Bien sûr, cela ne fait que quelques heures que j'y suis, mais le nombre très élevé d'élève et le fait d'être complètement cadrée par des gens et des règles, enfermée entre des murs, cela me rend malade. Alors j'ai besoin de sortir. Pour l'instant, le toit me convient mais, d'ici quelques temps, très peu de temps probablement, je vais être obligée de sortir de cet établissement qui m'étouffe... Je ne sais même pas pourquoi je te raconte tout ça en réalité... Je crois que tu m'inspires confiance. Mais ne tente surtout pas d'en abuser, car je suis du genre à détruire la vie de ceux qui tentent de pourrir la mienne ou me prennent pour une imbécile... Et voilà que je recommence à te raconter des trucs sur moi !

Elle marqua une pause et regarda de nouveau le ciel, tirant inlassablement sur sa cigarette et rejetant doucement la fumée de sa bouche. Elle était vraiment perdue. Comment diable ce simple étudiant parvenait-il sans même lui poser de questions à lui faire raconter tant de choses sur elle ? Et pourquoi cela ne parvenait-il pas à la rendre folle de rage ? Elle lança un regard à Tuomas puis reprit une bouffée de cigarette.

T... c'est bien ça, comme surnom, non ? Qu'en dis-tu ?

Elle se tut et lui sourit, tout en sortant son paquet de cigarettes de sa botte de sa main libre. Elle l'ouvrit et le posa entre elle et le jeune homme. Elle le regarda et lui sourit de nouveau.

Si tu en veux une, sers-toi, T !

Il ne lui avait pas donné son accord pour ce surnom, mais elle voulait voir si l'utiliser semblait le gêner ou non. Voyant qu'il n'avait pas l'air de réagir, elle se remit à regarder le ciel, pensive, tout en fumant tranquillement.

Tu sais, je l'aurais éteinte, ma cigarette...

Le peu de crainte qui lui restait fut vite balayé avec le nouveau grand sourire qu’elle lui décocha. En écoutant ce qu’elle disait, il arrivait à mieux cerner le personnage, du moins en avait-il l’impression. Il se demanda même si elle n’était pas claustrophobe sur les bords. Mais lorsqu’elle commença à se poser des questions, il fronça les sourcils. Encore plus lorsqu’elle le mit en garde. Non pas qu’il voulait faire ce contre quoi elle l'avait avertie, mais il fut surpris qu’elle pense qu’il aurait put. Enfin en même temps, ils se connaissaient depuis peu, très peu, c’était donc normal, assuma-t-il. En fait, il se disait même que lui-même n’était vraiment pas prudent. Ce n’était pas son genre, de foncer tête baissé. Et pourtant, pensa-t-il. Alors qu’elle semblait perdue dans ses pensées, il s’apprêta à lui dire qu’il n’envisageait nullement lui nuire. Mais avant qu’il ait put ouvrir la bouche, elle reprit la parole, et en profita pour lui donner un surnom. Ce changement d’attitude le surpris quelque peu, et il resta muet. Elle déposa alors son paquet de cigarettes et lui en proposa, en l’appelant par son nouveau surnom, si finement trouvé. Mais ses derniers mots le firent réfléchir. D’un coup, il se sentit assez stupide d’avoir pensé qu'elle aurait put être en colère. Et de lui avoir fait comprendre. Involontairement. Il releva les yeux, et la vit observant les cieux, en recracher de la fumée. C’est alors qu’il rejeta la tête en arrière, et éclata de rire. Lorsqu’il s'arrêta, il la vit le regardant avec de grands yeux. Il dit alors :

Désolé, je me moque de moi-même, je crois. J’ai été stupide de poser cette question, a propos de cette cigarette. Elle ne me dérange absolument pas, toutes mes excuses.

Il toussa une fois, puis reprit :

Par contre, T, ça ne va pas être possible. Je n'aime pas vraiment les surnoms, et puis T, c'est déjà prit !

Devant la perplexité visible sur son visage, il ne put s’empêcher de sourire. De plus l’exemple dont il s’était souvenu était assez pitoyable, mais il fallait avouer qu’il n’aimait pas trop les surnoms. Il se décida donc à ajouter :

Il me semble qu’un acteur se fait déjà appelé de la sorte, il me semble, alors on oublie T, ok ?

En ajoutant cela, il n’enleva pas le sourire de son visage, pour bien faire comprendre que, même si il n’appréciait pas particulièrement les surnoms, cela ne le dérangeait pas plus que ça. Du moment que c’est plus d’une lettre, quand même. Alors que le silence reprenait ses droits entre eux deux, il observa le paquet de cigarette devant lui. Il l’attrapa et en sortit une. Il la coinça dans sa bouche, et dit :

Tu aurais du feu ?

Son regard amusé renforça son sourire. Il ajouta, d’un ton amusé :

Ben quoi ?

Lorsque Desdemona entendit Tuomas rire aux éclats, elle fut assez surprise, ne comprenant pas ce qui pouvait le faire rire dans sa phrase. Ce n'est que quand il lui expliqua qu'il se moquait de lui-même -ce qu'elle trouvait un peu étrange, car se moquer de soi en riant aux éclats est pour le moins spécial- elle fut plutôt rassurée. Il lui dit ensuite qu'il ne voulait pas du surnom "T" en lui donnant la piètre excuse qu'il était pris, elle se mit à réfléchir à un nouveau surnom. Certes, elle avait bien compris qu'il n'aimait pas les surnoms, et que son excuse n'avait été là que pour ne pas la vexer. Mais elle savait aussi à quel point elle aimait taquiner les personnes qu'elle appréciait et avait de plus grandement envie de lui donner un surnom. Elle décida de s'y atteler plus tard, car lorsque le jeune homme lui demanda du feu, elle resta immobile et muette tant elle était dans ses pensées. En revanche quand Tuomas prit un air malicieux et lui parla de nouveau, elle fut extirpée de sa réflexion et revint à la réalité.

Le paquet a un double fond. Il te suffit de l'ouvrir par en dessous. I y a un briquet dedans. Mais attention, cela reste entre nous, car tu es la seule personne dans ce monde qui connaisse l'existence de ce double fond et je n'y range la plupart du temps pas que des briquets.

Elle lui adressa un sourire et tira longuement sur sa cigarette, qui termina de se consumer. Elle jeta le mégot dans le vide et tira une autre cigarette de son paquet qu'elle porta à sa bouche.

Quand tu auras fini avec le feu, fais-moi le donc passer !

Elle eut soudain une folle envie de lui poser tout un tas de questions à propos de tout et de rien, de choses personnelles et de questions existentielles, mais elle ne savait pas s'il voudrait y répondre et avait peur que cela gâche cette sympathique soirée ainsi que cette amitié naissante. Pourtant, après quelques instants de réflexion, elle décida de quand même poser les questions dont elle voulait connaître les réponses. Elle avait d'une part besoin de connaître mieux ce jeune homme pour comprendre ce qui en lui l'intriguait et lui donnait l'impression qu'il était quelqu'un de confiance et d'autre part elle avait envie de savoir qui il était au fond. D'une voix basse et assez tremblante, elle tenta de lui parler franchement mais sans trop en dévoiler.

Écoute, j'ai envie de te poser des questions à propos de toi, mais je ne sais pas si cela va te plaire. Ce ne sont pas essentiellement des questions indiscrètes, c'est simplement que je voudrais tenter de comprendre qui tu es au fond. Là, je dois passer pour une sorte de psychopathe, mais ça n'est as du tout ça. C'est simplement que tu m'intrigues en quelque sorte et que tu m'inspires confiance, ce qui est rare. Et j'aimerais bien comprendre pourquoi. Mais si tu ne veux pas répondre à mes questions, je comprendrais tout à fait et je ne t'embêterai plus.

Elle se tût et baissa la tête, gênée. Elle savait qu'à cet instant précis elle passait pour une folle et n'avait surtout pas envie d'en rajouter.

Dès qu’elle lui ait montré le fonctionnement du paquet, il l’ouvrit, manquant de renversé ce qu’il restait de cigarette dans le paquet, et en sortit le briquet. Il s’alluma sa cigarette, et lorsqu’elle le redemanda le briquet, il lui lança, et l’objet atterri dans la main de la jeune femme. C’est à se moment là qu’il al vis soucieuse. En déduisant qu’elle devait réfléchir à quelque chose d’important, il se tut, et observa les ronds de fumée qu’il recracha, et les regarda s’envoler dans le ciel de plus en plus sombre. Lorsqu’il redescendit les yeux sur elle, elle commença à parler. Depuis le début de leur discussion, elle avait toujours été sur d’elle. Mais pas cette fois. Cette fois elle semblait hésitée. Même sa voix tremblait très légèrement. Lorsqu’elle eut fini, il hésita un instant. Est-ce qu’elle le dérangeait ? Mais cette histoire de confiance le rendait mal à l’aise. Il avait l’habitude qu’on lui fasse confiance, mais pas quand après dix minutes de conversation. Il ne savait pas vraiment quoi dire, mais lorsqu’il la vit, la tête baissée, il le sut instantanément. Il lui prit le menton entre le pouce et l’index, et lui tourna le visage pour qu’il fasse face au siens. Et il dit, en souriant :

Et pourquoi est-ce que je ne voudrais pas répondre à tes questions ?

Pour un tas de raison, pensa-t-il intérieurement, mais il évita de dire ça à voix haute, parce que toute les questions du monde ne le dérangeait pas. Presque. Il la relâcha, et dit, tout en enlevant la cigarette de sa bouche :

Il n’y a pas grand-chose à dire sur moi. Je suis juste, comme beaucoup d’autre. Je joue de la guitare et j’aime la musique, l’histoire et la physique. A onze ans, j’ai été adopté par ceux que je considère comme mes parents. Je n’ai aucun souvenir d’avant cette époque, sinon que j’ai été dans un hôpital. On m’a dit que mon père biologique ma battait, et qu’on avait décidé de me mettre en foyer d’adoption. C’est crédible, mais pour un raison qui m’est inconnue, je n’y crois pas. J’ai eu 17 ans il y a peu, et je crois que c’est tout. Ah non, je suis aussi sous traitement pour quelque chose que j’ignore.

Il ne se sentait plus très bien. C’était la première fois qu’il avait mentionné son traitement, même si d’autre l’avait déjà vu le prendre, il n’en n’avait jamais parlé, même avec ses parents adoptifs. Et là, il l’avait dit à une personne qu’il ne connaissait absolument pas. Après tout, et si c’était vraiment un psychopathe ? Mal à l’aise, il enchaina :

A vrai dire, ton histoire de confiance, je l’a ressens également. Je ne suis pas du genre à parler de moi, ni même d’être amicale lorsqu’on m’aborde alors que je recherche le calme. Et pour te parler franchement, lorsque tu as débarqué de nulle part, ça m’a franchement embêté. Mais plus maintenant. Alors maintenant, pose toute les questions que tu veux, j’y répondrais. Parce que je pense que tu ne pense pas à mal. Enfin j’espère, ajouta-t-il dans un sourire.

Et encore une fois, il avait agit sans réfléchir. Il avait envie de continuer à discuter avec elle, mais il se dit qu’il ferait mieux de rester sur ces gardes. Mais quelque chose l’en empêchait. Il voulait juste lui parler. Alors qu’il réfléchissait quelque peu, un bip familier vint déranger la quiétude de la nuit.

Quand je te parlais de traitement …

Il sortit le comprimé de sa poche, et l’avala d’un trait. Pour une fois, sans se cacher, se retourner, ou tenter de faire passer ça pour quelque chose d’autre. Pour la première fois, pensa-t-il. Il se demanda maintenant à quoi elle pouvait bien penser, surtout si elle le prenait pour un handicapé ne pouvais vivre sans traitement médical. A vrai dire, lui-même l’ignorait.

Quand Tuomas prit son menton entre ses mains et lui fit comprendre qu'elle pouvait lui poser toutes les questions qu'elle désirait, Desdemona perdit ses moyens. Elle sentit son souffle se saccader, comme lorsqu'elle était en danger. Elle n'avait pourtant pas peur su garçon, mais pour une fois, elle se sentait inférieure, plus faible. Elle était un vampire doublé d'une sorcière plutôt douée et se sentait inférieure à un humain. Décidément, rien n'était normal en cette soirée. Tuomas lui raconta ensuite un peu qui il était, et qu'il prenait un traitement dont il ne connaissait pas la cause. Il lui expliqua qu'il avait également une grande confiance en elle et lui dit de poser toutes les questions qu'elle désirerait poser. Un bip retentit quelques instants plus tard et il prit son traitement. Elle tira sur sa cigarette avant de répondre à Tuomas.

Tu sais, si tu as des questions à me poser, tu es aussi en droit de le faire. Ce que j'aimerais bien savoir, c'est plutôt qui tu es vraiment. Ta couleur préférée, les fleurs que tu aimes, si tu préfères la viande ou le poisson... des questions qui semblent ridicules peut-être, mais dont les réponses m'intéressent vraiment. Bien sûr, après, j'aimerais également comprendre plus de choses sur toi, savoir quelles sombres chosent se cachent au fond de tes yeux et ressortent de temps en temps, savoir si tu as déjà commis des actes horribles ou songé à le faire, ce genre de choses...

Elle marqua une pause, souhaitant formuler ses prochaines phrases de façon à ce qu'elles ne paraissent pas méchantes et ne sonnent pas comme un ordre, car ça n'était pas du tout le cas. Elle ramena ses jambes sur le toit et se mit en tailleur, face à Tuomas, tout en le regardant dans les yeux. Le visage de la jeune fille, qui jusque là affichait une mine rêveuse, devint plus grave.

Arrête-le. Ton traitement, arrête-le. Ne te méprends pas, je ne cherche pas ta mort, mais je pense que pour cerner ce qu'est le problème tu dois empêcher sa résolution quotidienne. Si cela se trouve, tu prends des médicaments pour la migraine depuis l'enfance ! Si tu avais réellement quelque chose de très grave, on te l'aurait expliqué. Cela n'est pas le cas. Donc je suppose que ça ne doit pas être si grave. Je te propose quelque chose. Ne prend pas la prochaine pilule, mis dis-moi quand tu dois la prendre, que je sois là au cas où. Il ne peut rien arriver d'horrible, je te le promets. Partant ?

Elle se tût, tentant de comprendre ce que Tuomas pensait, ce qu'il allait répondre. Son air était redevenu grave et elle eut peur d'être allée trop loin.

Enfin, si tu ne veux pas, je comprend tout à fait...

Il acquiesça silencieusement lorsqu’elle lui dit ce qu’elle voulait savoir, et réfléchit intérieurement car il n’avait jamais fait attention au fait s’il préférait la viande ou le poisson. Peut être le poisson, ou la viande, ou le poisson, ou la viande …Lorsqu’elle évoqua des actes horrible, rien ne lui revint à l’esprit, évidemment, mais il lui semblait qu’elle insista très légèrement là-dessus. Non, se dit-il, non, simple impression. Soudain, sans qu’il s’y attende, elle changea de position, et ils se retrouvèrent face à face. Il eut tout à loisir d’observer ses grands yeux d’un violet profond, quand il vit son visage prendre un ton plus grave. Ce qu’elle lui dit le chamboula. A vrai, dire, lui-même n’y avait jamais pensé. Il n’avait jamais remit en question ses pilules, et avec le recul, cela lui paraissait presque bizarre. Il se rendit compte qu’il avait changé d’attitude, involontairement. Quiconque aurait vu de la colère se dessiner sur son visage. En fait, c’était de la crainte. Il avait peur de ce qui pouvait arriver. On lui avait bien fait comprendre qu’il devait les prendre. Mais le point extérieur de Des’ lui fit remettre en question durant un instant ce traitement. Et maintenant, il en avait peur. Il s’était imaginé toute sorte de maladie pour laquelle il prenait ce médicament. Et son imagination ne lui donnait pas envie d’arrêter. Alors qu’il se posait ces questions, Desdemona, contre toute attente, revint sur ses paroles, ce qui n’était pas son genre, pensa-t-il. Du moins pour peu qu’il la connaissait. Il observa ce qui restait de cigarette dans sa main, et il la jeta dans le vide. Il déglutit, et dit, hésitant :

Euh je … Je ne … Euh … Non. Je ne veux … Peux pas … arrêter d’en prendre. Enfin je ne sais pas mais … Non. Je suis désolé je …

Il marqua une pause. Il ne savait plus quoi dire, tant-il était bouleversé. Sur le coup, il regretta la cigarette qu’il venait de jeter. Il reprit, pas très sur de lui :

Je dois prendre une pilule toute les heures. Je peux en prendre une toute els deux heures, si besoin est, mais j’ai des nausées si je le fais. Et je n’ose pas imaginer ce qu’il passe si je ne la prends pas, désolé. Je manque de courage, surement.

Il s’aperçu qu’il n’avait plus cessé d’observer ses genoux. Il releva alors la tête, et dit, avec un sourire :

La viande. Je préfère la viande. Le canard, si tu veux tout savoir. Et ma couleur préféré n’est pas originale, ce n’est que le vert. Et les fleurs … c’est une bonne question, je n’ai pas de réponse pour l’instant. Quand à ce qui se cache au fond des mes yeux … Sans doute le sais-tu mieux que moi.

Il élargi un peu sons sourire, en tentant d’oublier cette histoire de pilule.

Et toi alors ? Quels horribles méfaits se cachent au fond de tes yeux à toi ? Quels actes horribles ?

Ajouta-t-il presqu'en rigolant, pour refaire apparaître un sourire sur son visage. En espérant qu’il n’avait pas touché une corde sensible. C’est en y pensant qu’il voulut revenir sur ce qu’il avait dit, mais il se souvint qu’à chaque fois que l’un ou l’autre l’avait fait, ça n’avait fait qu’empirer les choses. Il garda alors le silence tout en l’observant.

Tuomas avait raison. Il manquait de courage, un peu. Mais elle comprenait. Elle-même n'aurait certainement pas du comment réagir face à un évènement pareil. Elle se dit pourtant qu'elle devrait encore essayer de lui faire arrêter, ne serait-ce que quatre petites heures son traitement. Certes, cela pouvait être un réel traitement mais, connaissant les membres de Psycadélice, leur amusement à sacrifier des humains, elle avait peur que ça ne soit un stratagème des membres de Dorothy pour en tuer un peu plus. Mais bon, elle était sûrement en train de divaguer. Elle serait quand même plus rassurée quand elle saurait à quoi servaient ces pilules. Il était impossible que ce soit quelque chose de grave, sinon Tuomas aurait su de quoi il s'agissait. Desdemona ne comprit pas vraiment pourquoi il lui dit qu'elle savait sûrement mieux que lui ce qu'il avait pu faire d'horrible. Soudain, alors qu'elle réfléchissait absolument à tout ce qu'il disait, il prononça les mots qu'elle ne voulait pas entendre.

Et toi alors ? Quels horribles méfaits se cachent au fond de tes yeux à toi ? Quels actes horribles ?

Elle savait que sa phrase était sur le ton de la plaisanterie, mais celle-ci lui transperça le cœur. Oui, elle aimait les humains, certes, elle ne tuait que des criminels, des ordures notoires, mais ça n'avait pas toujours été le cas... elle se souvint alors de son premier meurtre. Elle était alors vampire depuis seulement quelques heures à peine et la soif la rendait folle. Elle marchait dans la forêt, s'éloignant volontairement des espaces habités. Elle croisa une malheureuse femme dont elle bu tout le sang, sans pouvoir se contrôler. Ce qu'elle n'avait pas vu, trop aveuglée par ses instincts, c'est l'enfant qui se trouvait derrière. Elle se souviendrait toujours de ses grands yeux verts, écarquillés par l'horreur à laquelle il venait d'assister, la peur qui y régnait et les larmes qui en coulaient. Elle avait effacé sa mémoire, pour qu'il ne se rappelle jamais cela, l'infâme crime qu'elle avait commis, le meurtre d'une innocente mère. Mais elle-même ne se pardonnerait jamais ce crime. Une larme, une seule, roula le long de sa joue droite et atterrit sur ses lèvres, qu'elle vint mouiller. Une boule avait envahi sa gorge et elle se retenait de toutes ses forces, afin que tout ce qu'elle avait contenu en elle ces dernières années, ce dont elle n'avait même jamais parlé à cousin ne ressorte maintenant. Elle avala la boule qui obstruait sa gorge et espéra au plus profond d'elle qu'il n'avait pas remarqué la larme qu'il lui avait arrachée, ce qui paraissait peu probable étant donné qu'il la fixait dans les yeux. Elle tira sur sa cigarette, recracha la fumée, prit une profonde inspiration et se décida à parler.

Tu dis ne rien te souvenir d'une partie de ton enfance. Mais as-tu songé que peut-être ce traitement obscurcissait ta mémoire ? Et que si tu avais des nausées en oubliant un comprimé c'est parce que ton cerveau tentait de raviver des images de ta vie passée ? Bien sûr, il est possible que ça ne soit pas ça. Mais quand bien même ça ne serait pas le cas, si tu as ce problème depuis l'enfance, le raviver ne serait-ce que quelques instants fera peut-être revenir tes souvenirs.

Elle marqua une courte pause afin de tirer sur sa cigarette.

Je ne vois pas comment je pourrais mieux que toi savoir ce que tu as fait de mal dans ta vie. Quand à ce que j'ai fait... je crois que tu ne préfères pas le savoir. Si tu avais une idée de qui je suis... de ce que je suis...

Elle parlait très doucement, chuchotant presque. Elle baissa la tête.

Tu ne voudrais même plus me regarder en face...

Et là, il se dit qu’il aurait dut revenir sur ses paroles. A nouveau, elle semblait bouleversée. Pourtant, il choisit de faire comme s’il n’avait rien remarqué. Se disant qu’il avait vraiment fait ce qu’il ne voulait pas faire, il remarqua un instant qu’une larme tomba, mais il ne voulut pas détacher son regard du siens, il n’en fut donc pas sur. Il s’en voulait de l’avoir mise dans cet état, mais ne savait pas quoi faire pour rattraper le coup. Il fut presque soulagé lorsqu’elle reprit la parole, mais son ton s’assombrit lorsqu’elle lui reparla de son traitement. Puis il fut surpris lorsqu’elle eut des remords à lui dire ce qu’elle avait fait. Et à vrai dire, ce n’était très rassurant. Et pour la seconde fois, elle baissa la tête. Il lui semblait alors qu’elle ne devait pas avoir ce genre de conversation très souvent. Pas du tout, peut être même. Et il se dit lui-même que c’était sans doute l’une des conversations les plus bizarre de sa pour l’instant courte existence. Alors qu’elle gardait la tête baissé, lui la garda haute, le regard tourné vers les étoiles qui se faisaient de plus en plus nombreuses. Il réfléchissait, il hésitait. Finalement, il lui dit, mais cette fois sans aucune intention d’être drôle ou ironique. Cette fois, il voulait juste être le plus franc possible. Choisissant ses mots avec soins, il dit :

Lorsque tu m’as parlé de psychopathe, j’ai trouvé ça ridicule. Tu ne paraissais pas du tout être une psychopathe. Et maintenant non plus. Si tu ne veux pas me dire ce que tu as fait, c’est ton choix. De même, je ne suis nullement ici pour te juger. Par contre …

Il eu un moment d’hésitation, mais se reprit très vite

A vrai dire, je pense comme toi. Je pense en effet que ces médicaments bloquent ma mémoire. Et si c’est bien le cas, je pense que c’était volontaire. Si on m’a donné ces médicaments, ce doit être aussi pour que je puisse oublier. Sans doute mon père me battant, même si, comme je te l’ai dit, je n’y crois pas. Lorsque je suis sortit de cet hôpital, je n’avais rien. Plus rien. Et c’est seulement quand on a tout perdu, qu’on est libre de faire tout ce qu’on veut.

Il tourna la tête, et lui sourit, en ajoutant :

Non, ce n’est pas de moi. J’ai trouvé ça dans un livre. Sinon, si je t’ai dit que tu devais sans doute savoir mieux que moi mes méfaits, c’était plus général. Dans le sens ou comme je ne me souviens de pas grand-chose, n’importe qui pourrait en savoir plus long que moi-même. Mais aussi loin que remonte ma mémoire, je ne pense pas avoir fait quelque chose qui ait changé la vie de quelqu’un. En bien ou en mal.

Et, pour la seconde fois, il lui prit le menton, et lui releva la tête.

Ne sois pas gênée. On a tous fait des erreurs.

En y repensant, une chose lui vint à l’esprit. Depuis tout à l’heure, c’était ce « de ce que je suis », qui le perturbait. Et il pensait avoir comprit. Même si en fait, cette explication semblait peu plausible, c’était tout ce qui lui venait à l’esprit. Et il se dit qu’elle devait avoir … Non, non. Il ne voulait pas émettre cette possibilité à voix haute, de peur de la vexer. Il remarqua alors qu’elle semblait toujours aussi triste qu’avant. Lui-même se mit à penser. Il lui avait affirmé haut et fort qu’il ne voulait pas connaître son passé. Et c’était faux. Et à son avis, elle s’en était aperçue. Sa curiosité était sans cesse refoulée par la crainte de faire une erreur qu’il regretterait. Et alors qu’il était perdu dans ses pensée, un air lui vint à l’esprit. Pour briser le silence, il murmura les paroles qui lui venaient :

Shadows of the past, victims of the future.

Elle écouta attentivement tout ce que Tuomas avait à dire, tête baissée jusqu'à ce qu'il la lui relève (s'il eut remarqué la larme, il ne lui fit pas savoir, ce qu'elle apprécia). Il disait ne pas vouloir connaître son passé, mais elle avait lu dans ses yeux qu'il ne lui disait pas la vérité. Il avait envie, besoin même, de savoir ce qu'il s'était passé dans son enfance, cela se voyait. Elle-même aurait préféré oublier son propre passé, mais elle ne le pouvait pas. Et tant mieux en un certain sens. Elle devait se souvenir, pour ne pas recommencer. Elle ne savait pas quoi répondre au jeune homme, et décida de prendre la parole sans savoir encore si elle lui révèlerait son secret.

Fight club. Ta citation. J'ai seulement vu l'adaptation cinématographique et je dois dire que j'ai vraiment adoré. Pour l'autre phrase, je ne sais pas d'où elle vient, mais je la trouve très belle. Tu sais, je vois bien que tu as envie de connaître ton passé. Et tu devrais tout faire pour le connaître. Comment savoir où on va quand on se demande continuellement d'où on vient ? Personnellement, je ne me rappelle presque pas mon enfance, et je sais que jamais je ne pourrais récupérer ces souvenirs, alors je fais avec. Mais si j'avais une infime chance de me rappeler, je donnerais tout pour savoir. Et, quand bien même tu aurais commis quelque chose d'horrible, le savoir te permettrait d'avancer. On apprend tous de ses erreurs. Moi même, je...

Elle ne pouvait pas lui dire. Pas comme cela. Elle devait trouver un moyen plus doux, faire qu'il comprenne. Et elle ne savait même pas si révéler son secret à un humain était cautionné par la "grande" Dorothy Butterfly. Mais elle était prête à prendre le risque, parce qu'elle avait l'impression que seul lui pourrait comprendre.Son cousin ne le pourrait pas, pensait-elle, et c'est pour cela qu'elle ne lui avait rien dit. Elle ne pourrait raconter cela qu'à Tuomas. Au besoin, elle se battrait contre les membres de Moon pour le protéger. Elle aurait aimé lui faire promettre de ne pas fuir, de rester avec elle, de comprendre, de ne pas la renier... mais cela aurait été vain. Une promesse s'oublie vite lorsqu'on est submergé par l'angoisse, le dégoût ou même les deux. Elle aurait simplement pu lui faire promettre de ne pas parler de ce qu'elle allait lui révéler, mais à quoi bon ? Il comprendrait seul que c'était secret, et s'il comptait le révéler, il le ferait, mais elle avait la conviction qu'il garderait tout pour lui. Elle allait lui dire, c'était certain. Elle tira sur sa cigarette pour se calmer, et prononça des mots simple, pour entrer en matière.

Est-ce que... est-ce que tu crois aux histoires de vampires ?

Elle s’en était en effectivement aperçu, et ça l’agaçait un peu, bien qu’il s’en soit douté. Il l’écouta en se disant qu’elle avait sans doute raison, mais il ne pensa pas qu’il eut le courage requit un jour. IL vivrait sans doute avec ce médicament jusqu’à la fin de sa vie, et il s’était résolut à le faire. Même si il hésitait encore. Il ne détacha plus son regard du siens et remarqua qu’elle était sur le point de lui dire quelque chose d’important lorsqu’elle s’arrêta. Ne voulant pas la poussé, il resta silencieux, mais il était devenue curieux de ce qu’elle voulait lui dire. Pour qu’elle hésite autant, le lui dire ne devait pas être sans danger. Sur le coup, il faillit lui dire de ne pas prendre de risque et qu’il pouvait parfaitement rester dans le flou. Mais sa curiosité prit le dessus, et il se fit une promesse. Si elle lui disait ce qu’elle avait à dire, il ne prendrait pas son médicament. Du moins pendant quatre ou cinq heures. Il espéra secrètement qu’elle s’arrêterait là, maintenant qu’il s’était fait sa promesse. Il remarqua alors qu’elle semblait quelque peu perturbée. Encore une fois. Il semblait que cette nuit serait la nuit des confidences, pensa-t-il avait ironie. Et puis elle lui posa une question à laquelle il ne s’attendait pas du tout. Et il ne voyait nullement ou elle voulait en venir. Il dut paraître perplexe car il ne savait que répondre. Décidant de jouer la carte de l’humour, il dit :

Bien sur. Quand j’avais douze ans.

Et cela accompagné d’un sourire qui se voulait incertain. Mais devant l’air grave qui n’avait plus quitté son visage, il ravala son humour et commença à se poser des questions. Que voulait-elle dire par vampire ? Au cours des siècles, on leur avait donné bien des significations différentes, allant de la chauve-souris au cannibale, en passant par les monstres des contes pour enfant ou des films d’horreur. Ne comprenant décidément pas ce qu’elle voulait dire, il dit :

Non, je n’y crois pas. Mais pourquoi cette question ?

Il vit qu’elle allait lui répondre, mais il prit les devants, et annonça :

Écoute, si tu veux me dire quelque chose, dis le, ne tourne pas autour du pot. Je te l’ai déjà dit, quoi que tu aies fait, je ne te jugerais pas. Je te le promets. D’accord ? Enfin, une promesse ne vaut pas grand-chose, mais j’essayerai de ne pas faire ça, d’accord ? Alors maintenant, si tu veux le dire, fait le. Sinon, tant pis.

Et puis, après ce qu’il pensait être une réflexion, il saisit le paquet de comprimé dans sa poche, et le tendit vers elle, comme pour lui donner. Il le laissa tomber dans sa main, et dit :

Si il se passe quoi que ce soit, fait moi reprendre un cachet. S’il te plait.

Il avait dit ces mots un peu plus suppliant qu’il ne l’aurait voulut, mais il avait pris sa décision. Et il savait qu’il le regretterait. Mais elle lui inspirait toujours confiance, et il avait décidé de compter sur elle. Si il lui avait donné son paquet, c'est surtout pour lui montrer qu'il ne la laisserait pas tomber. Et il espérait secretement qu'elle l'avait compris. Il se tut durant quelques minutes, et elle en fit autant. Il regardait les étoiles, puis descendit son regard vers le siens, et dit, simplement :

Alors, tu va me parler de cette histoire de vampire ou pas ?

Il dit cela tout en affichant un sourire timide. Il ne savait pas ce qu’elle allait lui dire, mais il pensa que cela concernait une histoire ou un livre, ou quelque chose du genre concernant les vampires. Mais son côté craintif réapparaissait et il avait un peu peur de se qu'elle dirait. Mais on n’est pas dans un livre, pensa-t-il.

Encore une fois, Des' écouta tout ce que Tuomas avait à dire, sans répondre, non plus pour tester ses limites mais parce qu'elle avait beaucoup de mal à raconter ce qu'elle avait à dire. Elle se retrouva à la fin avec les pilules du jeune garçon, qui lui donnait semblait-il à travers ce geste sa confiance. Il allait apprendre ses noirs secrets et peut-être apprendrait-elle les siens ce soir. Alors elle prit une dernière bouffée, jeta celle-ci du haut du toit et se décida à parler, de tout lui dire, comme si elle contait une histoire.

Il y a des choses dans ce monde qui sont aussi vieilles que l'humanité, car elles le sont en partie. Des créatures dont aucun humain ne soupçonne l'existence. Des sorcières, des vampires... des personnages à propos desquels ont lit des énormités dans les livres. Je vais te raconter l'histoire d'une jeune fille. Née d'une mère sorcière et ne connaissant pas son père, qui était très probablement humain, elle est depuis toujours dotée de pouvoirs étranges, qu'elle a appris à utiliser pour se défendre dès la mort de sa mère, brûlée par des humains pour avoir usé la magie devant eux par accident. Les sorcières ne sont pas de vieilles femmes avec des nez crochus, des balais et des chaudrons. Et leurs pouvoirs ne sont pas ce qu'on pourrait croire. Ces personnes ont des sortes de pouvoirs, assez "simples", des choses comme faire bouger des objets sans les toucher par exemple. Mais, surtout, les sorcières ont toutes une énergie assez puissante, qui leur permet de maîtriser les éléments. Tous les éléments, à petite échelle. Mais elles ont toutes un ou deux éléments qu'elles maîtrisent particulièrement bien. Pour cette jeune fille, le feu était dominant, collant à son tempérament. Elle dut travailler très dur pour maîtriser ses pouvoirs, et elle en déduit qu'elle était à demi-humaine. Bien sûr, après qu'elle ait appris à s'en servir, ses pouvoirs furent au niveau des autres sorciers et sorcières. En réalité, à la source, les sorciers et sorcières ne sont pas des créatures étranges, mais des humains, simplement qui sont dotés de pouvoirs. La plupart des humains pourraient d'ailleurs avoir des pouvoirs, légers, certes, mais présents, s'ils y travaillaient. Ce qui a crée une séparation entre sorciers et humains, c'est la détestation dont les humains ont fait preuve envers des semblables qui les effrayaient par leurs pouvoirs. Bref, revenons à la jeune fille. Sa mère décédée lorsqu'elle avait huit ans à peine, elle vécut trois ans seule, se débrouillant comme elle pouvait, travaillant ses pouvoirs. Elle fut ensuite recueillie par des gens adorables, qui firent d'elle une fille bien. Elle s'en alla de chez eux 6 ans plus tard, sans les renier, simplement pour vivre seule et rencontra peu après un vampire. Les vampires non plus ne sont pas ce qu'on croit. Ils sont des personnes normales, qui peuvent décider ou non de vieillir, qui n'aiment pas trop le soleil mais le supportent, qui sont tout à fait sociables et peuvent parfaitement se retenir, sauf s'ils ont réellement soif. Ceux qui sont nés vampires -les vampires peuvent avoir des enfants comme les humains- ne se nourrissent que de sang, mais les personnes transformées peuvent se nourrir normalement, sauf de temps en temps, où elles ont besoin de sang. La jeune fille, donc, croisa ce vampire et lui demanda de la transformer. C'était pour elle une expérience à vivre. Elle décida d'être un vampire, mais de se nourrir uniquement du sang des criminels et des ordures qu'elle croiserait, et seulement en cas de besoin. Elle vit donc tout à fait normalement, dans un endroit pourtant réservé aux "créatures magiques" et va dans un pensionnat afin d'être plus humaine. Elle n'agresse pas d'humains et passe d'ailleurs elle même pour une humaine auprès des élèves. Tout chez elle est humain et rien ne pourrait laisser entendre qu'elle est née sorcière, à part peut-être son prénom. Desdemona, c'est vrai que ça n'est pas commun...

Elle marqua une pause.

Ceci est la partie sympathique de l'histoire. Je veux bien te raconter la suite, mais j'ai déjà besoin que tu me croies. Est-ce le cas, Tuomas, ou me prends-tu pour une cinglée ?

Lorsque Tuomas vit Des’ lancer sa cigarette vers l’horizon, il eut une petite pensée pour le pauvre homme qui allait se charger de ramasser tous les mégots. Ce sentiment étant renforcé par le fait qu’il était sur qu’ils allaient encore rester ici un petit bout de temps. Ensuite, tout ce qu’il fit, c’était d’écouter avec attention. On ne pouvait déchiffrer nul émotion sur son visage, qui eut peut montrer ce qu’il pensait. Tout au long du récit, il se serait presque cru dans un film de science fiction. Si elle avait parlé de Loup-garou et d’Elfe, il lui aurait demandé ou était les caméras. Mais son ton montrait qu’elle ne plaisantait nullement. D’un coup, elle détruisit tout les clichés qu’il avait des vampires, et il allait même jusqu’à se demander s’ils avaient des dents pointues … Elle lui annonça ensuite qu’elle n’était pas la seule, loin de là, et qu’il existait même un endroit ou ils vivaient tous, elle qu’elle veut être plus humaine. Sur ce point d’ailleurs, Tuomas ne comprenait pas tout. La fille avait demandé à être un vampire, pour ensuite ressembler aux humains. Et puis, avec un naturel assez déconcertant, elle lui annonça qu’elle était cette vampire. Et elle finit par lui posé la question, s’il la prenait pour folle, ou pas. Et à cette question, il n’avait pas de réponse. Tout au long de la soirée, elle lui avait paru amicale, gentille, sur d’elle, saine d’esprit, et elle venait maintenant lui raconter ce que n’importe qualifierait d’histoire à dormir debout. Doucement, il dit :

En tout cas, il semble que nous sommes deux à n’avoir plus nos géniteurs …

Mais ne sachant plus quoi ajouter, il se tut, et baissa les yeux. Il sentit son regard pesé sur lui, mais il était tiraillé. Il ne savait que penser. D’un côté, il lui faisait confiance, pour une raison qu’il ignorait. De l’autre, elle se disait sorcière-vampire avec des pouvoirs. Une idée lui traversa l’esprit, mais il la rejeta aussitôt. Toute sorcière qu’elle soit, ou pas, elle n’userait pas d’un sort contre lui. Enfin, il l’espérait. Il ferma les yeux un instant, inspira un bon coup, les rouvrit, et dit :

Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? N’importe qui te prendrait pour folle ! Je t’ai regardé sourire, je n’y ai vu nulle canine dépassant ! Bon ok, c’est peut être encore une fausse idée qu’on se fait des vampires, mais bon. Je … je ne sais pas. Mais ce dont je suis sur, c’est que je ne crois pas que tu es folle. Mais ça ne veut pas dire que je te crois. Et puis comment veut-tu que …?

Soudain, le bip de sa montre reprit. Dans un accès de colère, il se l’arracha et la jeta dans le vide, en en disant :

Raah ta gueule !

Il se reprit, puis dit :

Pardon, je suis un peu perturbé là. Bon, on va reprendre, d’accord ? Donc, si j’ai bien comprit, tu es un vampire/sorcière qui ne se nourrit que de sang de malfaiteur, c’est bien ça ?

Elle acquiesça de la tête, et il poursuivit :

Et que toi et tes semblables vivez tous dans Vampire-City ? Oui, je sais que la ville ne s’appelle pas comme ça.

Elle acquiesça de nouveau

Et comment est-ce que je peux te … ?

Les mots ne lui vinrent plus. Il se sut plus quoi dire. Lui-même, les mots défilaient dans sa tête : Et si c’était vrai ? Et pourquoi pas ? Prouve qu’elle ne dit pas la vérité ! Il se secoua la tête, puis dit :

Je suis désolé, mais je ne peux pas te dire si je te prends pour un cinglée, ou non. Tu dois quand même comprendre que ce que tu me dis là et assez brutal, bien que je te l’ai demandé. Alors, s’il te plait, Des’, continue. Finit ton histoire, si tu en as envie, et je te dirais ce que j’en pense ensuite. Actuellement, je ne sais que penser. D’un côté, je te fais confiance. De l’autre, l’opinion générale me dit que c’est n’importe quoi. Alors je t’en prie. Finit. S’il te plait. Je t’ai dit que je n’avais pas à te juger, et c’est vrai, mais je ne sais plus ou j’en suis alors finit, s’il te plait.

Il avait dit tout cela d’un ton assez suppliant, bien que ce ne fût pas son intention. Pour un point de vue extérieur, le fou, c’était lui. Puis prit d’un doute, il demanda à voix :

Si tu es une sorcière, est-ce que tu use de sorts contre moi, en ce moment ?

Et il dit cela avec un air légèrement triste dans le regard.

~ Je le savais, je le savais qu'il réagirait comme ça !! Mais pourquoi diable lui ai-je raconté cela ? Quelle niaise ! Mais où avais-je la tête, bordel ?? ~

Voilà ce qui se répétait en boucle dans la tête de Des'. Elle n'aurait jamais dû lui dire tout ça. Voilà qu'il la prenait pour une folle et que, du peu qu'il croyait de son histoire, il pensait qu'elle lui jetait des sorts ! Alors qu'elle même lui avait expliqué que ça n'était pas cela une sorcière ! Et il définissait Psycadélice comme "Vampire-City". C'était pire que ce qu'elle avait imaginé. Car, plus que de se moquer où de la prendre pour une folle, il était en colère et, malgré le fait qu'elle aurait pu le tuer en quelques secondes, elle avait peur. Car si jamais elle s'en prenait à lui, elle ne se le pardonnerait jamais. Il fallait qu'elle lui donne des preuves, alors elle décida de faire simple. Elle attrapa son bras, le tint assez fermement (ce qui lui fut d'autant plus facile que le garçon resta pétrifié).

Ne t'inquiète pas.

Elle approcha ses lèvres du bras du jeune homme et frôla de ses dents le bras du jeune homme, qui le retira à toute vitesse. Elle releva la tête et le regarda dans les yeux. Elle na l'avait pas mordu, elle avait simplement posé ses dents su son bras. Comme elles étaient d'une puissance inouïe, Tuomas eut des marques, comme si un humain l'eut mordu. Elle ne lui avait pas fait très mal, où pas volontairement. Mais, quand elle vit son regard apeuré, elle comprit qu'elle l'effrayait et des larmes roulèrent sur ses joues avant même qu'elle eut compris ce que cela lui faisait ressentir. Elle baissa la tête, honteuse, les larmes continuant de couler.

Désolée...Tu vois, ça ne se voit pas, mais mes dents sont bel et bien fonctionnelles. Et, si tu avais écouté ce que je t'ai dit des sorcières, tu saurais que je ne peux pas te jeter un sort comme ça.

Elle tendit sa main vers un endroit du toit à un mètre et demi d'eux environ, et un feu s'alluma.

C'est ça, le genre de magie que je fais. Si tu ne me crois toujours pas, je comprendrais. Si tu as peur, je comprendrais également. Et si tu veux connaître le côté horrible de l'histoire, libre à toi de me le demander. Mais je ne sais pas si tu l'accepteras.

Des' ne put retenir des sanglots et garda la tête baissée, les larmes roulant encore sur ses joues. Elle alluma une nouvelle cigarette, cette fois-ci sans utiliser son briquet. Maintenant qu'elle s'était dévoilée à lui, plus rien ne l'obligeait à jouer des apparences.

Il était sur le point de lui demander de prouver ce qu’elle avança. Il n’eut pas besoin de le demander. Elle lui attrapa le bras. Et il se laissa faire. Surement parce qu’il ne voyait pas quoi faire d’autre, son esprit semblait tourner au ralentit. Mais soudain sa bouche s’approcha, et il sentit un contact froid sur son bras. Il se trouva un reflexe dont-il ignorait l’existence, et son bras fusa derrière lui dans un geste visant à se protéger. Il observa vite son bras et y vit une marque de dent très nette. Un frisson le parcouru. Il vit les larmes couler de ses yeux, mais cette fois, il n’eut nulle compassion. Elle lui expliqua le fonctionnement, puis lui fit une démonstration de son pouvoir. Ce qu’il l’étonna un peu, qu’elle maitrise le feu, vu que sa mère est morte brulée. Et soudain, elle éclata en sanglot. Elle s’alluma une cigarette, et ils restèrent ainsi, un long moment. Lui se tenait le bras en tentant de calmer son souffle et elle fumait la tête basse, au rythme des larmes qui se brisaient sur le sol dur du toit. Il fut une fois prit de légère nausée, mais n’en laissa rien paraître. Elle regarda le sol, et il la regardait. A ce moment précis, il eut l’impression de contempler une bête en cage, et eut horreur de lui-même. Il se comportait comme n’importe quel abruti qui avait peur de ce qui était différent. Il n’avait plus aucune tolérance, ni aucune pitié, et ça le dégoutais. Il se dégoutait. Il relâcha son bras. Son souffle se calma. Il s’en voulait. Il avait été stupide et irréfléchi, mais il n’y avait aucune manière d’arranger le coup. Lui dire qu’il la croyait et qu’il savait que tous ce qu’elle disait était vrai, qu’il savait qu’elle ne lui ferait pas de mal sonnerait faux, même si ce n’était pas loin de la vérité. Lui présenter ces excuses aurait été ridicule. Partir, inacceptable pour sa conscience. Tout ce qu’il trouva à faire, c’était sortir un mouchoir de sa poche, et lui tendre. Il ignorait si elle le prendrait, mais il le tendit quand même. D’une voix calme, il lui avoua :

Quand je suis sortit de l’hôpital, j’ai remarqué une chose. Dans l’ascenseur, j’avais descendu cinq étages. Lorsque je suis arrivé en bas, j’ai observé un plan, machinalement. Et ce que j’y ai vu, je ne l’oublierais. Je n’en parle pas, jamais. J’ai juste remarqué une chose. Il y était inscrit : 5eme : Accès interdit. Et je sais que c’était un hôpital psychiatrique.

Il déglutit, et dit :

Je vais te dire trois choses. De un, je te crois. Comment ne pas te croire, après tout ? De deux, je vais être franc, j’ai peur. Mais quelque chose me dit que si tu me voulais du mal, tu n’aurais pas perdu ton temps à me parler. Alors je ne pense pas que tu va me tuer.

Enfin j’espère, pensa-t-il

Et … oui, je veux connaître la fin de l’histoire. Pas pour moi, mais pour toi. Je m’en veux de t’avoir mis dans un tel état. On dit que c’est humain, d’avoir peur de ce qui est différent, mais ça me dégoute un peu, bien que j’aie ces mêmes réactions. Mais je pense que parler ne serait que te faire du bien à toi. Je ne suis peut être pas la meilleure oreille, surement pas d’ailleurs, mais si tu me parle à moi, tu as tes raisons, et je l’accepte. Si j’ai été … incorrect, je n’ai pas d’autre mot, je ne te retiens pas. Je n’en parlerais pas. Jamais. De toute façon, si je le faisais … on me prendrait pour un fou.

Voyant que cet humour noir semblait vraiment, vraiment mal tombé, il se reprit :

Désolé, c’était nul.

Il ne le disait pas, mais il commençait à se sentir bizarre. Bah, peu importe. Il était toujours là avec son mouchoir, en espérant qu’elle le prenne.

Lire la peur dans les yeux de son interlocuteur est horrible. Desdemona l'avait déjà appris à ses dépends, lors de son premier meurtre. Car ceux d'après n'étaient pas grave, étant ceux de criminels, de gens qui eux-mêmes ne méritaient pas de vivre. Tuomas tendait un mouchoir à la jeune fille, mais elle ne savait pas si elle devait accepter. Après tout, accepter cela était être d'accord pour lui raconter son histoire. Elle se tut encore cinq minutes après qu'il eut finit de parler puis accepta le mouchoir et lui raconta tout de son premier meurtre, sa tentative de s'éloigner des humains, la forêt dans laquelle elle avait marché, la femme qu'elle avait assassiné sans pouvoir se contrôler, cet enfant dont elle avait du effacer la mémoire et qui jamais ne se souviendrait avoir eu une mère, car les sorts d'oubli sont irréversibles, les regrets qu'elle avait depuis ce jour, son besoin constant de ne pas se rapprocher des gens... elle raconta absolument tout. Lui l'écouta attentivement, sans dire mot ni bouger. Elle-même resta silencieuse pendant une dizaine de minutes après lui avoir tout raconté. Elle ne savait plus quoi dire. Alors elle décida de parler de ce que Tuomas lui avait dit.

Alors tu as été dans un dangereux secteur d'un hôpital psychiatrique... peut-être que ne pas prendre tes médicaments sera dangereux pour d'autres humains si tu es à proximité... Si jamais tu éprouves encore l'envie de me parler après ce que je t'ai fait, il vaut mieux que je sois avec toi. Les cours débutent demain, mais je crois savoir que nous n'aurons cours que dans l'après-midi, ce qui laisse amplement le temps de voir ce que ça donne...

Elle regarda Tuomas qui ne répondait pas. Elle savait que faire comme si de rien était n'était pas la solution, mais elle ne pouvait s'en empêcher. Elle arrêta cependant de le faire, et décida de lui offrir une option qu'il ne prendrait surement pas, mais qu'il ne fallait pas passer sous silence.

Tu sais, si ce que je t'ai dit est trop lourd à supporter, je peux effacer ta mémoire... Je ne le ferai pas sans ton accord, mais si c'est toi qui le veux, alors je peux le faire.

Ah ouais. Quand même, pensa-t-il. Il se dit que ce n’était sans dote pas sa faute. Il ne savait pas ce qui se passerait s’il devenait un vampire. Il n’avait pas envie de le savoir en fait. Et lorsqu’elle lui dit que ne pas prendre ses médicaments pouvaient être dangereux pour les autres, il eut envie de dire que c’était bien pour ça qu’il n’avait pas voulut les arrêter. Et maintenant c’est une vampire sorcière qui avait ses médicaments. Les choses sont bien étrangement faite, pensa-t-il. Il ne sut quoi dire, et elle lui proposa d’effacer sa mémoire. Comme on dit, ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Il était bien trop calme pour avoir déjà été en colère, sérieusement. Mais il serra les dents, serra le poing, et dit juste :

J’ai vécu sans connaître ce que j’avais fait avant l’âge de onze ans, et sans doute était-ce quelque chose d’horrible. Et tu viens me demander si je veux encore oublier quelque chose ? Tu te fou de moi ? Bordel !

Et il frappa d’un coup sec le béton du toit. Sa main était en sang, mais il inspira profondément et dit :

Je ne … je ne sais pas ce qui m’a pris. Désolé je ne … suis pas comme ça, d’habitude. Tu n’a rien à voir avec cet accès de colère je … suis désolé.

Mais qu’est-ce qui lui prenait bon sang ? Il ne se comprenait plus.

Je … Merci. De me faire confiance. Je ne vais pas te dire que je compatis, ou que je sais ce que ça fait, parce que c’est faux. Tout ce que je comprends, c’est que ça ne doit pas être facile pour toi, toute vampire que tu sois. Mais il va me falloir un peu de temps pour … enfin tu vois ? Ce n’est pas évident de voir tout ce en quoi on croit s’effriter et s’effondrer.

Il réfléchit un instant, puis demanda :

Mais dit moi, physiquement, tu as facile dix-neuf ou vingt ans. Mais tu m’a dit que les vampires pouvaient choisir ou non de vieillir, c’est bien ça ? Dans ce cas, désolé si tu la dit et que je ne l’ai pas noté, mais … Tu as quel âge ?

Il marqua une pause, et ajouta :

Et est-ce que tes potes les vampires de ta ville, seront d’accord pour que je sache tout ça, en fait ?

La situation s'était arrangée. Il semblait. L'accès de colère qu'avait eu Tuomas était tout à fait compréhensible. Desdemona s'était calmée. Elle tira sur sa cigarette et se remit à parler, sans larmes ni sanglots cette fois.

De là où je viens, il n'y a pas que des vampires. Et je ne pense pas qu'ils seraient d'accord pour que je te raconte tout ça. C'est pour cela qu'il faut absolument que tu gardes ça pour toi. La ville où je vis, et que j'évite, est dirigée par une femme, vampire elle aussi, avide de pouvoir et qui hait les humains. De ce fait, les habitants de Psycadélice, l'endroit où je suis née, mènent une guerre contre les humains, une guerre uni sens étant donné que les humains ne sont pas au courant qu'elle existe. Même ce pensionnat mêle humains et créatures de Psycadélice, et je crois que tu devrais te méfier un peu, car tous ne sont pas comme moi. Quand j'ai décidé de devenir vampire, je voulais simplement être plus forte, et pouvoir venger ma mère. Mais j'ai appris ensuite que les humains, s'ils ont longtemps haï les sorcières sans raison, ont de nos jours des raisons de le faire, étant donné que certaines s'attaquent à eux. Alors je me suis résignée, d'autant que le salopard qui l'a brûlée avec un sourire aux lèvres est mort avant que j'ai assez de pouvoirs pour l'immoler à son tour. Tout ça pour dire que, si jamais quelqu'un apprend cela, ils essaieront de te tuer, et moi avec. Il va de soi que je ne les laisserait pas faire. Mais il faut que tu saches une chose : Si ils décident vraiment de te chercher, ils te trouveront. Alors il vaut mieux que tu sois préparé, et peut-être même que tu ne sois plus humain. C'est aussi pour cela que je te demandais si tu voulais que j'efface ta mémoire, tout en me doutant que tu allais refuser. Bien sûr, il n'est pas du tout certain qu'ils l'apprennent, mais je préfère te prévenir quand même.

Elle tira sur sa cigarette et ne dit rien pendant quelques instants.

J'ai été transformée il y a peu de temps, pile le jour de mon dix-neuvième anniversaire. Je ne vais donc pas vieillir pendant au moins deux ans et recommencerait lorsque je le désirerais.

Elle regarda Tuomas et lui sourit, espérant un éventuel retour.

Ah et, désolée pour la marque, je ne sais pas si je t'ai fait mal, mais ça n'était pas voulu du tout.

Il l’écouta, mais avec une oreille distraite. Lui-même se demandait en même temps dans quel bourbier il s’était fourré. Elle s’excusa et le gratifia d’un sourire. Il sourit à son tour, mais d’un sourire assez fade. Dès lors, il baissa les yeux et se tint le menton. Et le silence se prolongea. Longtemps. Il pensait à ce qu’elle venait de lui dire. Il se rendait peu à peu compte de la chance, ou de la malchance qu’il avait. Il parlait quand à une vampire. Et il n’en mourrait pas. Enfin pas tout de suite. Par que si il se faisait choper, il passerait un sale quart d’heure. Et elle aussi. Et c’est ce la qu’il ne s’expliquait pas. Pourquoi était-ce à lui, un homme qu’elle venait de rencontrer, qui plus est sortait d’un hôpital psychiatrique pour une raison inconnu, qu’elle racontait cela. Et il ne comprenait toujours pas. Soudain, alors qu’il se tenait le menton de sa gauche, il remarqua que sa main droite saignait toujours du coup qu’il avait donné sur le béton. Alors qu’il y repensa, la douleur le lança à nouveau, ce qui lui arracha une légère grimace. Comme il était assis en tailleur, il posa son bras sur ses jambes, en attendant que la douleur passe. La voyant le regarder, il dit :

Oui, je crois que j’ai frappé un peu trop fort. Mais ne t’excuse pas pour la marque, je n’ai pas eu mal. J’ai juste été assez surpris.

Il baissa les yeux un instant puis les releva et demanda :

Est-ce que je peux ravoir une cigarette ?

Elle poussa le paquet dans sa direction, et avec sa main gauche, en sortir une du paquet. Il le retourna pour se saisir du briquet, puis s’arrêta, et reposa le paquet. Il posa la cigarette entre ses lèvres et demanda, un air malicieux dans le regard :

Est-ce que tu peux me l’allumer ? Sans le briquet, évidemment.

Voyant qu’elle allait refuser, il lui fit un regard suppliant, et elle finit par craquer. Lorsque la flamme sortit de nulle part, il fut légèrement surpris, mais la surprise passa vite, laissant la place à l’admiration. Il Rejeta la tête en arrière, puis recracha la fumée, en baissant la tête. Puis il dit, doucement :

En effet.

Devant son air interrogateur, il dit :

En effet, c’est une belle soirée.

Il tira, puis ajouta :

Je ne vais pas te cacher que des centaines de questions défilent dans ma tête. Peut être plus que des centaines. Mais je pense que j’aurais tout le temps du monde pour te les poser. Par contre deux brulent mes lèvres : Tu m’as dit qu’il n’y avait pas que des vampires. Il y a aussi des sorciers, peut être, mais y a-t’il, euh … autre chose ? Et qu’est-ce que tu veux dire par « plus humain » ?

Ajouta-t-il, en prononçant les guillemets. Et c’est cette question qu’il voulait absolument posé. Et il espérait que sa réponse ne serait pas celle qu’il craignait. Alors qu’il attendait sa réponse, la douleur le refis grincer des dents. Et il eut une pensée pour son jean qui allait finir par devenir rouge.

Desdemona fut embarrassée par les questions de Tuomas. La première, parce qu'elle ne pouvait pas y répondre, elle n'en avait pas le droit. La deuxième, parce que celle-ci risquait de le mettre dans une colère noire. Elle tira sur sa cigarette et prit la parole, décidant d'être franche.

Je ne peux répondre à ta première question. Je n'en ai pas le droit, et cela ne ferait qu'aggraver ta situation dans le cas où tout se saurait. Tout ce que je peux te dire, c'est que le monde n'est pas tel que tu l'as envisagé jusqu'à maintenant, et que la plupart des créatures de tes livres d'heroïc fantasy sont réels. Pour ce qui est de ta seconde question, je crois que tu l'a compris, et je crois aussi que cela te déplairait. Si les non-humains se mettent à tes trousses tu ne pourras t'en sortir qu'en devenant un vampire. C'est pour ça que je te propose l'autre option...

Elle posa son regard sur la main ensanglantée du jeune homme.

Donne-moi ta main, Tuomas.

Comme il paraissait retissant, elle dût prendre son bras doucement et le ramener vers elle. Elle toucha la main de Tuomas, sur laquelle elle fit couler de l'eau venue de nulle part, puis d'un geste soigna sa blessure.

C'est un avantage à la sorcellerie. Je peux facilement soigner des blessures, tant qu'elles ne sont pas trop grave.

Elle sourit à Tuomas, espérant qu'il ne fut pas effrayé par ses pouvoirs.

Elle lui avoua qu’elle ne pouvait lui répondre, mais elle le fit quand même, d’une certaine façon. Il était maintenant persuadé qu’il finirait nez à nez avec un dragon. Ou un troll. Ou un loup-garou. Et elle eut raison pour la seconde question. Quel qu’en soit le prix, il ne deviendra pas un vampire. Non pas qu’il en soit dégouté, mais il se refusait juste à utiliser la facilité. Enfin, pour cette fois. Et peut être un peu par peur, aussi. Ensuite, lorsqu’elle lui demanda son bras, il eut un moment d’hésitation. La dernière fois qu’elle l’avait fait, elle avait fini en larme et lui terrorisé et avec une marque sur le bras. Qui n’était toujours pas partit d’ailleurs. Mais lorsqu’elle lui prit, il ne résista pas. Et après coup, il se dit qu’il avait bien fait. Il fut agréablement surpris de voir qu’il pouvait remuer les doigts sans aucune douleur. Ce qu’il fit d’ailleurs. Il tapa un coup dans son autre paume, et remarqua qu’il ne ressentait en effet plus de douleur. Il en fut ravi, mais se demanda si les pouvoirs de la jeune femme avaient une limite. Ce qu’il ne manquerait pas de lui demander. Un jour, comme toutes les autres questions. En tout cas, il se disait qu’il fallait qu’il mette au clair cette histoire d’options. Il passa sa cigarette dans sa main droite, et dit :

Il semblerait alors que je doive prier pour qu’on ne trouve pas, dans ce cas. Car je n’ai nullement l’intention de subir un effacement de mémoire. Et j’ai encore moins envie de devenir un vampire. Ceci dit sans aucune offense, bien sur.

Voyant qu’elle gardait le silence, il tira sur sa cigarette. Puis, il se rappela d’une chose, et demanda quelle heure il était. Elle lui répondit qu’elle n’en savait rien. Il regarda alors sa montre. Et il s’aperçu que cette dernière avait disparu. Un peu affoler, il demanda si elle savait ou était passé sa montre, et elle lui désigna le vide à coté d’eux.

Quoi, je l’ai balancé ? Mais pourquoi est-ce que je l’ai balancé ?

Elle le regarda d’un air assez ahuri, tant dis que lui ne comprenait plus rien. Il tata alors sa poche, de plus en plus furieusement. Puis, ne trouvant pas ce qu’il cherchait, il se retourna sur place et tapa sur le sol à la recherche de quelque chose. Il se retourna vers Desdemona, et lui dit, d’un ton effrayé :

Je … je crois que j’ai perdu mes médoc’. Tu les aurais pas vu ?

Lorsqu’il vit le regard qu’elle lui décocha, il s’énerva :

Mais tu te fous de ma gueule ? Ou ils sont bordel ? Hein ?

Il eut deux ou trois petits spasmes du bras droit, mais il continua de fixer la jeune vampire, qui semblait ne plus rien y comprendre.

Tuomas avait soudain changé de comportement. Il avait oublié qu'il avait jeté sa montre, qu'il lui avait donné ses médicaments et lui parlait très sèchement. Tout d'abord, elle crut avoir fait une erreur en soignant sa main, jeté un sort involontairement ou quelque chose de la sorte. Ensuite, elle comprit que tout cela ne pouvait venir que de ses médicaments qu'il avait stoppé. Cela devait faire quatre heures qu'il ne les avait pas pris, et les effets commençaient visiblement à se ressentir. Elle ne savait pas jusqu'où il pourrait aller dans sa colère mais elle pourrait aisément le dominer s'il devenait violent. Elle ne voulait cependant pas lui faire prendre un médicament, car tout cela n'aurait servi à rien tant qu'ils n'auraient pas tous deux compris la cause du problème. Elle décida de ne pas bouger, le fixant dans les yeux, et de parler calmement.

Tuomas, tu as jeté ta montre dans le vide et m'a donné tes médicaments pour voir de quoi tu étais atteint. Les effets de l'arrêt de ton traitement commencent surement à se faire ressentir. Je te prie de te calmer. Je suis là et tout ira bien, je ne te laisserai pas faire n'importe quoi. Tu commences à découvrir de quoi tu es atteint, Tuomas. Je ne peux par conséquent pas te donner tes médicaments, et autant te dire qu'il faudra me passer sur le corps pour les obtenir. Je suis gentille, mais pas aveuglement, et je peux être très impulsive. Je te conseille donc de ne pas te frotter à moi, au risque d'avoir très mal.

Elle se tut, attendant de voir si Tuomas, qui semblait réfléchir, se calmerait. Elle l'espérait mais n'y croyait pas vraiment. Elle tira sur sa cigarette en regardant le jeune homme au fond des yeux.

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