Promenade du soir...

Voilà encore une de ces soirées calmes et silencieuses, où le temps passe très lentement, et chaque pas résonne dans le couloir. La jeune Isabelle sortait de la caféteria, après avoir en quelque sorte "dîné", dîner pour elle voulait dire manger un bout de pain et fixer le mur tandis que son repas refroidissait. Elle se rendait en direction des dortoirs, afin de rejoindre ses locaux et déposer les lourdes affaires qu'elle avait dans les mains.

Parmi elles, un livre de mathématiques, et un cahier remplis de calcul, non, Isabelle n'avait pas déjà fait ses devoirs, elle était allée chercher un livre sur le programme d'une année suivante, et avait passé l'après-midi à comprendre le fonctionnement les équations émises par de grands savants. Quelque chose de sans doute intéressant, mais qui ne la fascinait pas plus que ça, ce qui l'amusait, c'était d'avoir compris quelque chose que certaines personnes bien plus agés qu'elle ne pouvaient imaginer.

Sans pour autant être orgueilleuse, elle ne comprenait simplement pas comment, elle, une pauvre enfant, pouvait dépasser autant un adulte moyen. A cette pensée elle lâcha un soupir, loin de ses parents n'était pas bien mieux qu'avant, ses cours n'étaient plus en particuliers certes, mais ses camarades se servaient d'elle comme principal sujet de moquerie, accusée de tricher, ou de donner des pots de vins à ses enseignants pour s'en être sortie si bien avec un cerveau de la taille d'une noix.

Elle lâchait donc un soupir à cette pensée, celle de se retrouve à nouveau seule dans sa chambre, en compagnie d'une maigre partie de sa collection de peluches, dans une chambre assez lugubre mis à part les efforts de décoration qu'elle a fait. Sa chambre n'était même pas en commun, son père avait préféré lui prendre une chambre individuelle, ayant peur qu'elle tombe sous l'influence d'une junkie ou autre fille peu fréquentable.

La petite Isabelle avançait à petits pas en fixant ses chaussures vernies noires,taille 37, une taille idéale, puisqu'elle ne mesurait qu'un mètre soixante. Taille moyenne pour une femme, certes, mais toujours petit à ses yeux. Ses bras repliés contre elle, retenant ses affaires, frottaient de temps à autre contre la dentelle blanche de sa robe couleur pêche, nuancée en orange et en rose et parfaitement ajustée. N'appréciant pas les collants faisant maternelle, elle regardait songeusement de temps à autre le motif fleuri de ses bas blancs et orangés, faisant l'illusion d'un collant grâce à l'invention du porte-jartelle, pas de l'âge d'une telle fille, mais qui appréciait plutôt le côté pratique.

Sa chevelure rousse bouclait en anglaises, retenue par un serre-tête de soie rouge incrustés de strass, dégageant le regard, et permettant aussi de voir ses petites oreilles aux boucles en perle de nacre et or. Chaque matin elle passait du temps devant la glace, mais sans vraiment savoir pourquoi, elle ne voulait plaire à aucun garçon, ni faire la fière devant aucune fille, elle ne savait même pas si elle le faisait pour elle-même.

En ces temps là, la jeune fille autrefois joyeuse avait nettement perdu goût à la vie, tellement qu'elle ne fit même pas attention lorsqu'un grand garçon la bouscula sur le chemin, lâchant toutes ses affaires d'un coup, réagissant au quart de tour, fixant le garçon qui continuait déjà sa route sans s'être retourné. Sans même un soupir, ni crise de colère, elle s'agenouilla afin de ramasser ses affaires, ne cherchant pas à savoir si elle avait mérité d'être traitée ainsi ou non.

La petite fille ne put s'empêcher de lui adresser une moue dédaigneuse lorsqu'il lui cita les soit-disant règles du pensionnat. Il était évidemment qu'il se moquait d'elle, après tout, elle, elle l'avait lu et relu une dizaine de fois, comment un directeur pouvait aussi mal connaître un règlement qu'il aurait lui-même écrit?!

Vexée par les paroles du directeur, elle prit soudain peur lorsqu'elle vit ses yeux virer aux rouges, tandis qu'il lui souffla des paroles aussi insultantes que le sifflement d'un serpent. Comme recevant un coup en pleine poitrine, elle baissa subitement la tête lorsqu'il souligna le fait que personne ne l'appréciait, comment pouvait on être si cruel avec la pauvre enfant qu'elle était ? Elle qui faisait de son mieux afin d'attirer l'attention de quelqu'un qui l'aimerait à sa juste valeur. Elle qui s'était débrouillée seule, et faisait mieux que quiconque sans avoir eu besoin d'aide...

Baissant le regard, elle ne sourcilla pas à la dernière remarque, mais ajouta en marmonnant :

"Je ne cherche pas à me faire détester par les professeurs... Et je ne cherche pas non plus à ce que les autres me détestent non plus..."

Disant cela, elle tritura une de ses bouclettes, plus gênée par ce qu'il venait de dire que par sa proximité ou même l'allusion aux punitions corporelles. Elle niait complètement l'idée même de se faire frapper pour si bien réussir, ça ne se faisait pas, selon elle.

N'ayant aucune raison de garder une image parfaite d'elle même, elle fit "non" de la tête en réponse à la dernière question du Directeur, elle espérait d'une certaine manière, qu'elle échapperait ainsi à sa menaçe.

Isabelle l'écouta attentivement, perdant peu à peu sa moue déçue, même si par moment elle était tentée de bouder à nouveau. Elle était assez intriguée par ses gestes, le fait qu'il semble être très tactile, sans savoir pourquoi... Peut-être aimait il bien les enfants et semblait moins cruel qu'il ne l'était...

Un lueur d'incompréhension dans le regard, elle ne pu s'empêcher de l'apostropher sans prendre compte de la remarque sur l'abandon de ses parents.

"Mais qu'est-ce que je devrais faire pour ne pas avoir tous les gens contre moi ?"

Il s'éloignait déjà, visiblement soucieux de la laisser retourner d'elle-même à sa chambre alors qu'elle n'avait qu'à atteindre la porte dans le hall et descendre de deux étages... Ce n'est pas comme si elle devait traverser une forêt sombre en chemin...

Lâchant un soupir, elle se dépècha de le rattraper, devant presque courir pour ne pas finir derrière lui.

"Si j'allais plus souvent en art, est-ce que ça changerait quelque chose ? Chaque fois que j'y vais, le professeur me donne des bonnes notes, sans pour autant avoir l'air d'apprécier ce que je fais. Mais je ne fais que respecter les consignes données... Qu'est-ce que je fais de travers?"

Manquant de faire tomber ses livres, elle se faisait presque un torticoli à suivre ce géant, il avançait à grands pas et n'était pas facile à regarder dans les yeux.

"Pourquoi est-ce que des gens me détesteraient parce que je suis bonne élève, ou à cause de la façon dont je m'habille? Je suis prête à partager et aider les autres si ils en ont besoin..."

"Soyez une artiste!" Plus facile à dire qu'à faire... On semblait lui reprocher de respecter trop bien les consignes... Mais après tout elle n'avait pas le choix, aucune idée ne lui venait en tête si ce n'est que quelque chose de trop parfait pour le professeur.

Le Directeur se remit alors à marcher, ils approchaient de la porte du hall, et pendant ce temps il lui parlait de poupées en porcelaine et de temps... Souriant de façon moqueuse, elle s'exclama aussitôt.

"Mais... je n'ai pas envie de plaire aux garçons! Je vois pas pourquoi je voudrais d'un amoureux qui me trouve jolie si personne ne m'aime pour qui je suis. Et puis ce n'est pas parce que je ne m'habille pas à la mode que c'est vieux de 100 ans, j'ai simplement pas envie de porter des pantalons taille basse noirs avec un dos-nu blanc, c'est tellement triste et sans intérêt..."

Elle lâcha un soupir, prenant une mine boudeuse, mais c'est alors qu'elle vit le géant tapoter sur le mur, mur qui étrangement se mit à bouger et dévoila un passage secret, éclairé grâce aux pouvoirs magiques du Directeur. Bouche-bée, la petite resta un instant à fixer les paillettes lumineuses, puis soudain se rendit compte d'une chose...

"Pourquoi voulez vous qu'on passe par là? Ma chambre est au deuxième étage, suffit de passer par les escaliers comme tout le monde..."

Intriguée, elle fixa le passage, s'approchant inconsciemment, se demandant si il voulait emprunter un escalier secret pour aller jusqu'à sa chambre... Tss, est-ce que le pensionnat était si dangereux que ça ?

La petite soupira elle aussi, levant les yeux au plafond, il commençait à l'agaçer avec son point de vue sur sa tenue vestimentaire... Elle s'habille comme elle veut après tout!

De toute manière, Isabella était bien plus distraite par le chemin apparu devant ses yeux, semblant visiblement "normal" pour le Directeur, mais c'était compréhensible vu que la magie ne lui était pas inconnue. Encore des petites étincelles par-ci et puis par-là... éclairant l'obscurité tel une rimbambelle d'étoiles scintillantes.

"Incroyable..." lâcha-t-elle, bouche bée par sa remarque.

Sans hésitation, la jeune fille s'avança la première dans le couloir sombre, regardant alternativement les petites étoiles, et le chemin qui se traçait devant elle.

"Je ne jure pas que par la science, mais c'est vrai que c'est difficile de trouver ça possible..."

D'un air curieux, Isabella tenta de toucher les paroies de ce chemin, mais sa main semblait sans cesse continuer d'avancer, sans qu'elle puisse en toucher le bout. Récupérant alors sa main, elle dégagea les cheveux qui tombaient devant sa figure, les replaçant derrière ses épaules. Relevant de temps à autres la tête, elle faillit bousculer M.Bartavelle, qui lui, n'était bien sûr pas aussi fasciné qu'elle. Elle vit alors le couloir se diviser en deux chemins, reculant subitement derrière le directeur, on avait l'impression que le chemin agissait de lui-même...

Sans dire pourquoi, Barsanuphe Bartavelle parti dans une direction, obligeant Isabelle à le suivre, celle-ci ne pouvait s'empêcher de regarder en arrière, se rendant compte qu'au fur et à mesure qu'ils avançaient, le couloir disparaissait.

"C'est, magique..."

Ne faisant pas attention où elle marchait, Isabella posa son pied sur ce qui semblait être le ruban de sa robe, normalement noué autour de sa taille, mais qui s'était étrangement défait, mais restait coincé entre les passants du tissu. Inconsciente de ceci, Isabella se sentit basculer jusqu'à rentrer en contact avec le "sol", si on pouvait appeler ça comme ça. Pendant un moment, la petite avait cru qu'elle tomberait dans le vide et lâcha un petit gémissement, mais malgré l'absence de texture, il y avait bel et bien quelque chose là.

Grimaçant sous la douleur violente, Isabella releva un regard implorant vers le directeur.

"Monsieur Bartavelle, je n'aime pas trop cet endroit... Enfin, cette...On est au beau milieu de nulle part dans un labyrinthe normalement inexistant et on ne peut pas faire demi-tour. Vous êtes sûr de savoir où vous allez?"

La petite fille releva les yeux vers les petites étoiles qui peu à peu s'éteignaient, sombrant dans le noir absolu tels des astres mourrant, brillant une dernière fois avant de disparaître. Isabelle haletait presque, n'appréciant pas le noir, ne s'étant toujours pas relevé, elle fixa les yeux terrifiants du Directeur.

Que veux-il ? Pourquoi lui infliger cette torture terrifiante?

Isabelle tenta de se relever, terrifiée par le regard pesant du Directeur, qui s'était subitement à sourire d'un teint éclatant, une bouche aux térrifiantes dents pointues. La gamine lâcha gémissement de sursaut, prenant un mouvement de recul, c'est alors qu'une lumière s'alluma, un lustre.

Elle regarda subitement autour d'elle, cette pièce, un lustre, un divan... rien d'autre, pas de portes, pas de fenêtres... La jeune fille se tourna plusieurs fois, cherchant à voir si il n'y avait pas une entrée qui lui aurait échappé, se reconcentrant ensuite sur le Directeur, l'air affolé.

Le silence complet, l'immobilité totale, puis... Le noir.

Un cri retentit, la petite Isabelle hurlait de toute ses forces, tentant de se débattre contre l'ombre.