Patiner, même aveugle, c'est possible...

Invité

La jeune fille se promenait dans les rues. Elle avait toujours son air mélancolique au visage. L'air était froid, le ciel d'un bleu pâle. Finalement, la jeune fille s'était fabriquée une canne pour se diriger. Elle s'était en effet rapidement rendu compte qu'en dehors de chez ses parents, elle était déroutée. Maintenant, le seul endroit où elle n'avait pas besoin de sa canne, c'était la chambre qu'elle occupait au pensionnat. Partout ailleurs, elle avait besoin d'autre chose que ses oreilles pour se guider. Il y avait trop de bruit, trop de gens...

Ce week-end, elle avait décidé de se balader un peu, histoire de se changer les idées et se détendre un peu. C'était sa première sortie depuis qu'elle était arrivée mais elle n'avait pourtant pas fait d'effort pour s'habiller. Elle portait un jean plus que troué et délavé, elle avait un paire de bottines par-dessus. En haut, un gros pull trop grand pour elle et au gris délavé également. La seule chose qui n'était pas abîmée c'était le foulard vert bouteille noué autour de son cou.

Sa canne en main et ses yeux à la couleur de braise bien ouverts, elle déambulait plus qu'elle ne se promenait dans les rues. Ses pensées divergeaient à droite et à gauche au gré du vent sur le rythme de ses pas. Une main dans la poche arrière de son pantalon, elle marchait lentement, par plaisir et aussi un peu -bien qu'elle refusait de l'admettre- par nécessité.

Elle arriva bientôt dans un endroit plus bruyant et buta contre une espèce de rembarde. Elle grimaça et la suivit lorsque quelqu'un lui adressa la parole.

- Mademoiselle? Vous voulez faire un tour sur la patinoire?

Clémence aimait patiner quand elle était plus jeune. Mais maintenant, elle ne pouvait plus. La femme qui lui avait demandé ça s'apperçut alors qu'elle était aveugle. Elle proposa gentiment à la jeune fille de l'accompagner sur la glace. L'étudiante se crispa aussitôt. Elle n'était pas un fardeau! Elle ne voulait en aucun cas qu'on ai pitié d'elle. Elle répliqua d'un ton froid et assuré.

- Une paire de patin en 39. Je n'ai pas besoin de votre aide. Et encore moins de votre pitié madame.

La femme lui glissa deux patins dans les mains et Clémence la paya avec l'argent de poche qu'elle avait. Elle s'assit sur un banc et enfila les patins. Son coeur battait vite, trop vite. Elle avait peur. Peur de se ridiculiser et de tomber. Mais maintenant qu'elle avait commencé, elle ne pouvait plus revenir en arrière.

Elle longea la rembarde et laissa son bâton au bord avec ses chaussures avant d'entrer sur la glace. Il y avait du monde et elle resta solidement aggripée au bord. Elle ne tremblait pas mais n'en était vraiment pas loin. La jeune fille ferma un instant les yeux avant de se redresser, ne conservant plus qu'une main sur le muret. Elle patina doucement puis un peu plus rapidement et encore de plus en plus. Elle se sentait bien maintenant. Même si elle ne pouvait plus voir la blancheur de la glace. Et puis... ce souvenir l'attrista, une larme coula le long de sa joue qu'elle essuya rageusement juste avant de percuter quelqu'un...