Bienvenue à tous!

Le bruit augmentait à mesure qu'il avançait dans le couloir menant à l'auditorium. Ses cheveux d'un rouge éclatant étaient noués en une petite couette à l'arrière de sa tête. Ses prunelles, vertes comme l'émeraude, aujourd'hui, scrutaient le vide. Le proviseur était pensif. Il avait rejeté tous les discours qui lui avaient été proposés et n'avait pas voulu en écrire un lui-même. Il voulait être original et assez clair. Il lui fallait jouer des mots pour intégrer les règles dictées par Lady Dorothy. Outre le règlement normal de tout établissement scolaire, il y avait aussi les ajouts de Dorothy, et à es yeux, bien qu'abusifs, ils étaient plus importants que les règles humaines. Il releva la tête en entendant un cliquetis. Un de ses pantins s'était avancé pour lui ouvrir la porte, haute celle-ci - l'ancien intendant de la maison Ezorh s'était arrangé pour que la plupart des portes et des plafonds du pensionnat dépassassent les deux mètres. Le pantin clencha la porte, le proviseur s'arrêta un instant. Les professeurs discutaient entre eux de l'autre côté. Tous avaient revêtu le large manteau-robe noir, à manches non moins larges, sorte d'uniforme du pensionnat. Lui s'était permis de couper les manches - de les déchirer plutôt - et de le faire cintrer et ajuster de façon à ce qu'il lui collât au torse. Sa peau blanche contrastait avec le manteau. Ses bras nus étaient recouverts d'arabesques noires, fruits de ses expériences dont il était presque toujours le cobaye, au grand dam de Madame le Maire qui aurait sans doute préféré que les cobayes fussent humains - les colorants qu'il faisait, quand ils n'étaient pas destinés à être bus, étaient des poisons plus puissants que tous ceux connus par l'homme. Mais revenons plutôt à notre cérémonie d'ouverture.
Les professeurs se turent à son arrivée, non pas qu'ils craignissent que leurs "bavardages" l'énerveraient, mais notre jeune viviris en imposait par sa simple présence. Ils le saluèrent légèrement, certains lui sourirent. Il leur répondit d'un simple hochement de tête. L'auditorium était noir de monde. C'en était fini de la tranquillité relative de la belle saison! Au moins il s'ennuierait un peu moins, avec un peu de chance...
D'un geste ample, il intima à la foule de faire silence et prit une profonde inspiration. *Et c'est parti!*

Chers élèves, chers parents! L'ensemble du corps enseignant et Moi-même (la majuscule était audible) vous souhaitons la bienvenue dans notre école d'enseignements artistiques! Je suis Barsanuphe Bartavelle, le directeur de cet établissement, j'assurerai également les cours de chimie et, à l'occasion, de sculpture sur bois et de peinture. Je suis heureux de vous accueillir dans le pensionnat et j'ose espérer que vous vous y plairez. Pour ce faire, je pense qu'il est préférable que je rappelle quelques points importants du règlement que vous avez tous reçu, et lu, bien entendu...

À son grand amusement, quelques rires retentirent, il allait de soit que très peu d'élèves avaient seulement aperçu le règlement dans le dossier d'inscription. Si tant est qu'il en existât un seul.

Je rappelle aux professeurs que les élèves n'ont pas le droit de se promener seuls dans les couloirs pendant les cours et que, par conséquent, si un élève est renvoyé de cours ou qu'il a besoin d'aller à l'infirmerie, vous êtes dans l'obligation de le faire accompagner par l'un de ses camarades de classe. Il est interdit aux élèves, tout comme il est déconseillé aux habitants de l'île, de se promener seul aux abords du lac et que les seuls lieux que vous avez le droit de visiter durant la nuit sont vos dortoirs et vos salles communes, surtout n'en sortez pas, et encore moins de l'établissement. Outre les sanctions que je prendrais à leur encontre, les contrevenants s'exposeront à de terribles dangers. Et, croyez-moi, j'aimerais plaisanter...

Il s'accorda un temps de réflexion, il était assez fier de lui. Il savait que tout élève qui se respecte se fichait totalement du règlement. En interdisant ce genre de choses, qui leur ferait risquer de passer du côté de Psycadélice, il savait que quelques têtes brûlées s'octroieraient le droit de le faire. Les interdits étaient faits pour être bravés.

Les cours débuteront dès demain, le corps enseignant est là pour vous aider durant toute la journée. Au rez-de-chaussée, vous trouverez la vie scolaire, mon bureau, l'infirmerie, la cafétéria, ainsi que les ateliers d'art. Au premier, juste à côté, se trouvent toutes les salles de cours, ainsi que la bibliothèque, la salle de projection et la salle informatiques. Vos dortoirs et vos salles communes se trouvent au second, à l'instar des douches et de la salle des fêtes. Vous trouverez vos emplois du temps dans vos chambres, si quelque chose ne vous convient pas, ou si vous découvrez une erreur ou une incohérence, je vous invite à en informer la vie scolaire et moi-même, nous règlerons avec plaisir les éventuels problèmes que vous pourriez rencontrer. Si vous avez d'autres questions, en rapport ou non avec le pensionnat, je m'efforcerai d'y répondre. Si vous préférez en parler à d'autres personnes, plus compétentes, une psychologue est à votre disposition. Sur ce, chers élèves, je vous souhaite une bonne fin de journée, et vous rappelle que vous me trouverez dans mon bureau ou dans les couloirs alentours...

Il leur adressa un dernier sourire et se recula un peu afin de s'adosser au mur, à quoi bon sortir puisqu'il allait être constamment dérangé par les élèves perdus?

*Finie la paix...*

Desdemona s'était installée dans la salle, bien au fond, cachée par des êtres humains, ses futurs camarades et peut-être victimes. Elle regardait son cher cousin qui visiblement se forçait à paraître heureux de cette rentrée et soucieux de ses élèves. Elle écouta son discours très attentivement et finit par en déduire qu'aucun élève normal ne le respecterait, et que c'était à coup sûr le but de l'opération. Elle attendit impatiemment la fin du discours, et quand cela arriva enfin, se plaça contre un mur en attendant que la salle soit complètement vide, à l'exception bien entendu d'elle-même et de Barsanuphe. Son cousin était de dos quand la salle fut vide et ne la vit par conséquent pas immédiatement. Elle se mit à frapper dans ses mains en des applaudissements volontairement ralentis et arbora un sourire teinté d'un brin d'ironie. Lorsque son cousin se retourna, elle décolla son dos du mur et avança lentement en direction du bureau derrière lequel il se tenait. Elle lui adressa un clin d'œil avant de prendre la parole.

Joli discours, monsieur le proviseur ! Vraiment ! C'était très... convaincant ! Tu comprends évidemment que,en bonne élève qui se respecte, je vais m'employer tout au long de l'année à bafouer par tous les moyens cette charte ! Mais bon, après tout, c'est exactement ce que tu veux, non ?

Elle lui adressa de nouveau un clin d'œil et s'avança jusqu'à s'asseoir sur le bureau de son cousin. Voyant que celui-ci cherchait une réplique cinglante, elle décida de lui couper l'herbe sous le pied et de changer de sujet.

Et oui, cher cousin, tu vas devoir me supporter cette année !!

La salle se vida peu à peu, rares furent les élèves qui osèrent s'adresser directement à lui, ils préféraient les visages plus avenants des autres professeurs, rien d'étonnant, mais c'était en revanche agréable de ne pas être dérangé pour rien. En tout seules deux élèves, deux jeunes filles, vinrent à lui, pour savoir s'il comptait assurer beaucoup de cours de peinture. Assurément! Mais il n'était pas le seul peintre de l'équipe enseignante et devrait, par conséquent, laisser sa place si besoin était. Enfin la salle fut vide et il se laissa aller dans un fauteuil en face d'un petit bureau jonché de prospectus. Il se mit à dessiner des arabesque dessus. Il ne retournerait pas de suite à son bureau, les élèves le trouveraient plus facilement ici, et le silence qui régnait à présent dans l'auditorium le détendait. Silence? Non pas totalement. Il n'était pas seul, mais... Étrange, songea-t-il, aucun humain n'était capable de tant de discrétion. Dorothy avait autorisé aux habitants de Psycadélice à venir étudier les arts au pensionnat, était-ce l'un d'eux?
Des applaudissements très mesurés retentirent dans la salle. Il se retourna pour découvrir sa cousine, souriante comme à chaque fois qu'elle tenait tête à Barsanuphe. Leur relation était très ambigüe, elle était plus qu'une cousine pour lui, et l'inverse était vraie. Desdemona avait été recueillie par son oncle et sa tante, et bien que leurs débuts furent difficiles -surtout pour lui qui ne devait en plus rien montrer pour ne pas blesser ses parents-, il se fit rapidement à l'idée d'avoir une cousine, qui n'était pas si laide, qui plus est.
Elle s'avança vers lui, toujours avec la même moue narquoise, d'une démarche gracieuse, comme à son habitude.
Elle s'assit, et reprit la parole avant même qu'il ne trouve quelque chose à répondre à ce qu'elle venait de dire.

Te supporter? Des', tu sais bien que je n'ai jamais eu à te supporter. Quand bien même ce serait le cas, ma tâche ne serait pas très ardue. J'ai tous les pouvoir ici et tu comprends que je ne tiens absolument pas à ce que mes collègues et mes élèvent croient que ma cousine est privilégiée...

Il l'attira sur ses genoux et commença à la chatouiller en riant.

Content de te revoir, cousine! Alors? Qui va devoir supporter l'autre?

Desdemona tenta de se dégager de l'étreinte de son cousin ce qui était difficile étant donné qu'il la chatouillait. Elle y parvint pourtant et bondit derrière son cousin. Elle lui ébouriffa les cheveux -ce qu'il détestait, et elle le savait pertinemment- et bondit de nouveau, retombant sur le bureau où elle se rassit. Elle claqua des doigts et les rideaux se fermèrent, plongeant la pièce dans l'obscurité. Elle claqua des doigts une nouvelle fois, allumant les lumières de la salle d'une façon tamisée.

Depuis que je suis un vampire, j'ai vraiment du mal à supporter ce satané soleil ! Non pas qu'il me fasse mal ou quelque chose de la sorte, mais il m'énerve complètement ! Un peu comme la petite blonde qui était assise au premier rang tout à l'heure... Bref, pour en revenir à ce que tu disais, comment ça tu ne veux pas qu'ils "croient" que je suis privilégiée ? Je suis privilégiée, je suis ta cousine tout de même ! Enfin bon, je viendrais te voir le soir, histoire de ne pas trop attirer l'attention... Et quoiqu'il en soit, quelques soient les pouvoirs que tu as ici, tu sais pertinemment que tu n'as aucun pouvoir sur moi, Barsa ! Et je suis insupportable !! Je vais t'en faire voir de toutes les couleurs !

Elle se tut regarda ses ongles durant un instant. Elle regarda son cousin avec un sourire moqueur et lui adressa un clin d'œil.

Toi qui est coloriste, tu voudrais pas me faire une manucure, tiens ?

Elle descendit du bureau et alla se placer vers une fenêtre, claquant des doigts pour en ouvrir les rideaux. Elle se mit à observer les élèves qui se promenaient dehors et faisaient connaissance et se dit qu'elle aurait volontiers rejoints si elle n'avait pas été occupée à taquiner son cousin. Elle s'attarda sur un groupes de jeunes garçons, en particulier un, qui lui semblait assez mystérieux et l'attirait sans qu'elle sache vraiment pourquoi.

Hum, il y a des élèves plutôt charmants je trouve. Il faudra que j'aille faire connaissance !

Elle regarda une jeune fille blonde assise dehors, celle qui l'énervait sans raison précise depuis le discours de Barsa.

Dis, tu crois qu'une disparition d'élève serait très grave ?

Barsa baissa la tête en grognant légèrement. Il essaya d'attraper à nouveau sa cousine et sa hanche vint heurter le coin du bureau, lui arrachant un autre grognement, moins léger celui-ci. Il se laissa tomber dans le fauteuil en soupirant.

C'est vrai que tu es une privilégiée, tu es la seule élève autorisée à te balader où bon te semble à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Mais le règlement "normal" s'applique aussi à toi et tu me connais assez pour savoir que mon courroux est des plus terribles. Tu es la seule capable d'en faire voir toutes les couleurs à un coloristes, mais je sais très bien que je peux t'en faire baver en retour. Par ailleurs je peux te faire un vernis mais tu l'appliqueras toi-même, tu sais que je ne suis pas un bon peintre...

Mensonge éhonté, il était l'un des meilleurs. Il la regarda s'éloigner et observer les autres élèves. Puis il se leva à son tour et fit disparaître table et fauteuil dans geste de la main. Son regard se posa à nouveau sur sa cousine lorsqu'elle fit une remarque sur la gente masculine du pensionnat. En un clin d'œil, il se retrouva derrière elle, à observer au-dehors par-dessus son épaule.

Serais-tu en train de te comporter comme une humaine?

Il émit un rire feutré avant de porter son regard sur la blonde dont elle parlait.

J'en connais une qui serait sans aucun doute ravie d'apprendre la disparition d'une élève, mais je pense que tu devrais éviter de lui faire quoique ce soit. Non seulement parce que le pensionnat doit se faire une bonne réputation, et que, par conséquent, je te "l'interdis"...

Il lui adressa un clin d'œil et un sourire énigmatique avant de reprendre.

... mais aussi parce que Dorothy préfère s'occuper elle-même des humains. Sans oublier que l'effacer des mémoires de toutes les personnes qui la connaissent est éreintant et que je ne suis pas à l'abri d'un oubli. Mais tu sais déjà tout ça, chère cousine...

Desdemona se tourna vers son cousin et le regarda d'un air las.

Oui, je sais... la réputation, les mémoires, Dorothy et son envie de pouvoir suprême... Je la respecte beaucoup, ne te méprends pas, mais j'ai horreur qu'on me donne des ordres et cette dame aime un peu trop tout contrôler. Et oui je me comporte en humaine, de toutes façons il va bien falloir que je m'y habitue si je veux suivre des cours ici. Pour ce qui est du règlement, tu penses bien cher cousin que je ne vais pas le respecter et que si tu me pousses à bout, je m'en irais et tu t'ennuieras à mourir sans moi !

Elle contourna son cousin avec un sourire narquois et alla s'asseoir dans son fauteuil.

Et puis, si tu crois vraiment que je ne vais pas sortir de l'établissement la nuit... de toutes façons je n'ai pas le choix. Tu sais très bien que je dois aller chasser, et je ne vais pas me retenir pour un règlement. À moins que tu préfères que je m'attaque aux élèves...

Elle lui adressa un sourire satisfait, attendant une réponse.

Un sourire mélancolique fendit son visage.

Dorothy est loin d'être parfaite, contrairement à ce qu'elle pourrait dire, et elle est à blâmer sur un bon nombre de points, surtout depuis la mort de son chapelier. Mais peut-être sommes-nous aussi à blâmer, notamment sur ce désir commun que nous, les habitants de Psycadélice, avons d'exterminer l'espèce humaine. En tant que membre de Moon, je puis t'assurer que tu n'es pas la seule à avoir quelques problèmes avec la nouvelles politique de Dorothy. Beaucoup de gens s'en réfèrent à moi plutôt qu'à elle pour ce genre de choses, ils savent que je ne suis pas aussi impulsif qu'elle et qu'il m'en faut bien plus pour me mettre hors de moi, contrairement à ton oncle.

Il marqua une pause et sourit en repensant à sa boule de nerfs de père. D'où Barsanuphe tenait-il cette tempérance? Même sa mère n'était pas aussi calme que lui. Non pas qu'il s'en plaignît, au contraire, ce calme lui était fort utile lorsqu'il était avec Dorothy, mais c'était tout simplement inexplicable. Il soupira et se tourna vers Des'.

Enfin... Je t'ai dit que je te laissais aller et venir à ta guise parce que je connais tes besoins. En revanche je ne veux pas que tu entraînes d'autres élèves dans tes escapades. Ne fais pas trop de bêtises, non plus, je rechigne à punir des inconnus, imagine ce que c'est pour toi. Quant à la blonde dont tu souhaites la mort, une fois que tu m'auras donné la raison de ta détestation, je m'occuperais des détails contraignants, je compte sur ta discrétion. En attendant, ne t'en prends à aucun de mes élèves et évite autant que possible de les approcher de trop près, sauf si tu as de bonnes intentions, comme avec ce garçon par exemple...

Il vint s'assoir devant elle, s'adossa sur ses jambes. Et soupira à nouveau.

Cette année va être difficile pour tout le monde surtout pour nous. J'espère ne pas avoir à te convoquer pour te voir...

Son rire, bien que très doux, raisonna dans l'auditorium, le rendant moins rassurant qu'il ne l'aurait souhaité.

Elle écouta attentivement ce que son cousin avait à dire puis alluma une cigarette, en prit une bouffée et laissa doucement la fumée sortir de sa bouche. Barsa n'avait pas tort, Dorothy n'était pas la seule à blâmer. Pourtant, cette femme l'irritait, d'une part parce qu'elle tentait de tout contrôler et, d'autre part, parce que son cousin semblait lui vouer une fidélité dont elle ne comprenait pas l'origine. Elle ébouriffa les cheveux de Barsanuphe et attendit que celui-ci la regarda pour prendre la parole.

Tu sais, Barsa, tous les habitants de Psycadélice ne veulent pas tuer les humains. Je les aime bien moi, par exemple. Enfin, certains. Bien sûr, les nunuches ou les grands coincés me dégoutent, mais certains sont très intéressants. Je trouve cette chasse à l'humain assez stupide en fait. Si cela était une réelle conviction, un désir profond ou encore une haine ancestrale en chacun des habitants de Psyca', je comprendrais. Mais ça n'est qu'un phénomène de mode, une bande de moutons qui suivent une bergère certes plutôt mignonne mais tellement avide de pouvoir... je ne vois pas où se situe le plaisir. Et je ne comprend pas non plus pourquoi tu voues un culte à Dorothy. Cela ne te ressemble pas, d'obéir à quelqu'un. J'espère que t'es pas amoureux, parce que je veux pas d'elle dans la famille ! Ou alors tu risques d'être veuf très tôt.

Elle s'interrompit une minute pour tirer sur sa cigarette et se mit à regarder le plafond d'un air distrait. Elle se perdit quelque peu dans ses pensées, que le calme ambiant rendaient plutôt claires. Elle savait pertinemment que son cousin ne l'interromprait pas car lui aussi aimait le calme et la tranquillité, surtout quand il s'agissait de réfléchir à des paroles qu'on allait prononcer. Elle mit donc ses pensées en ordre avant de poursuivre.

Et puis, je ne comptais pas entraîner d'autres élèves dans mes escapades. Oh, bien sûr, j'en emmènerai peut-être un ou deux dans une sortie nocturne, mais simplement si c'est quelqu'un d'appréciable, et sans aucune mauvaise intention. Pour ce qui est de l'autre blonde, laisse tomber. Je préfère lui mettre une ou deux claques dans l'année plutôt que de la tuer. Je n'ai aucune réelle raison de la haïr, mais elle me tape sur les nerfs avec son air de première de la classe et ses manies de bourgeoise. Elle m'a l'air d'une parfaite abrutie. Pour ce qui est du garçon, arrête tes sous-entendus, nigaud ! C'est simplement qu'il m'intrigue, et rien d'autre que tu sembles soupçonner. Et je n'ai généralement pas de mauvaises intentions envers les humains, exceptés ceux qui m'exaspèrent ou qui ont l'air délicieux.

Elle lui adressa un sourire et un clin d'œil.

Je ne sais pas, si j'ai le temps je passerai peut-être te voir ! Il est certain en revanche que tu devras me convoquer, parce que si je veux bien faire un peu attention à ne pas trop bafouer les règles, je ne compte pas respecter le règlement à la lettre !

Il lui saisit le poignet avant qu'elle ne parte. Trop fort? Non. À la réflexion, peut-être... peu importait de toute façon. Il regardait droit devant lui, les mâchoires serrées. Non pas qu'il fut réellement énervé, il ne tenait pas de son père, mais certains discours avaient nettement plus d'impacts avec un masque comme celui qu'il arborait. Ses iris devinrent de plus en plus sombres. Qu'il était bon ce pouvoir qui coulait dans ses veines, ce contrôle qu'il avait sur la moindre parcelle de son corps! Et sur celui des autres... un frisson parcourut sa main et tout le corps de sa cousine.

Ils nous ont traîné dans la boue... Ils m'ont trainé dans la boue! Nous avons été chassés, persécutés. Que tu ne considères pas ça comme une raison valable pour les haïr c'est une chose, mais ne me critique pas parce que c'est mon cas ou encore celui de Dorothy. Je ne suis pas adepte du "tit for tat", contrairement à elle, mais tu ne peux pas dire que ce n'est qu'un phénomène de mode. Et vu que tu tiens tant à le savoir, non, je ne l'aime pas, je ne lui voue pas un culte! Je la tuerais si je me savais capable de diriger un peuple, ou si je connaissais une personne capable de le faire, mais le fait est que ce n'est pas le cas! Je te défends formellement de t'approcher d'elle, tu n'es pas assez forte pour ça, tu n'arriverais même pas à tuer un de ses gardes! Moi-même je ne suis pas sûr d'en être capable...

Il leva les yeux vers elle, l'inquiétude qui s'était installées dans son regard laissa place à une certaine mélancolie, il sourit.

Et puis... je suis déjà veuf... Quant aux autres élèves, je te fais confiance, et comme à chaque fois je sais que tu ne me trahiras pas.

Son souvenir était maintenant amusé. Il éteignit la cigarette de Des' entre le pouce et l'index après lui avoir relâché le poignet.

Un point du règlement que je te déconseille de bafouer... Tu sais que je n'aime pas ça et que j'ai le nez.

Il s'étira longuement, profitant de la hauteur du plafond. Les rideaux s'ouvrirent un à un laissant apparaître la lueur du soleil couchant. Dieu ce que le temps passait vite lorsqu'il était avec sa cousine! Le portes principales s'ouvrirent, celles qui s'ouvraient sur l'un des nombreux couloirs menant à son bureau également. Le directeur sourit, son école avait décidé que la conversation était terminée... Il tira Des' vers lui et posa un baiser sur son front.

Prends garde à toi, n'embrasse pas trop passionnément, et une gifle ne suffit jamais...

Il marqua une pause, prêt à partir mais se ravisa.

Oh! Et...

Il tapota sa joue de son index en souriant.

Ouais... si tu le dis. Pas le droit de sortir, pas le droit de fumer... c'est la prison ici ! Enfin, encore une règle que je vais devoir bafouer... Vraiment, ça me brise le coeur, mais je vais devoir...

Elle baissa le ton de sa voix, jusqu'à presque chuchoter.

...bafouer le règlement.

Des' éclata d'un grand rire, se leva et adressa un clin d'oeil à son cousin qui lui tendait la joue. Elle fit glisser sa main sur le visage de Barsanuphe puis fit pression sur sa joue afin que sa tête se tourne. Voyant le visage surpris et frustré de son cousin, elle ajouta.

Ben alors, qu'est-ce que tu espérais, cousin ? Bon, j'y vais histoire de faire un tour. À plus, Barsa' !

Elle se dirigea avec grâce vers la porte, puis, sans cesser de marcher, leva la main droite en l'air et l'ouvrit. Au même moment, le fauteuil de Barsanuphe prit feu, alors même qu'il allait s'y asseoir. La main se ferma et le fauteuil s'éteignit, vierge de toute trace. Elle passa la porte et s'enfonça dans un couloir, continuant de marcher tout en cherchant un moyen de se détendre un peu.

À plus Des'!

Il la regarda partir et s'apprêta à s'assoir lorsque Fauteuil prit feu. Se relevant juste à temps, il se retint de faire disparaître toutes les couleurs de ses vêtements pour les rendre invisibles, préférant quelque chose dont elle ne se rendrait pas compte tout de suite. Ainsi une grosse tache blanche apparut à l'arrière de sa jupe, il la teinta de quelques zébrures d'un jaune vif. Affichant un sourire satisfait, il se tourna vers la double porte et tapota le dossier de Fauteuil.

Retournons au bureau, Fauteuil.

Il avança et se retourna après avoir franchi les portes.

Allons Fauteuil, dépêchez-vous! Vous ne voudriez pas qu'elle revienne vous brûler!

Il se mit aussitôt en route, de sa démarche pataude, il suivit Barsa jusqu'à leur bureau.